Le coucher de soleil ressemble tant à l’aube.

Dériver vivre.

MAIS QUI A DIT QU’ELLE N’EXISTE PAS

On la trouve dans le fond de tes yeux
À la pointe de tes lèvres
On la trouve dans ton corps réveillé
La fin du péché
La courbe de tes flancs
La chaleur de ton sein
Au plus profond de ton ventre
Dans l’attente du matin

On la trouve dans le rêve réalisé
On la trouve dans le pistolet-mitrailleur poli
Dans la joie, dans la rage
La destruction de la cage
La mort de l’école
Le refus du travail
L’usine déserte
Ta maison sans porte

On la trouve dans l’imagination
La musique sur l’herbe
On la trouve dans la provocation
Le travail de la taupe
L’histoire du futur
Le présent sans histoire
Les moments d’ivresse
Les instants de mémoire

On la trouve dans le noir de la peau
Dans la fête collective
Elle emporte la marchandise
Elle te prend la main
Elle incendie Milan
Elle lance les pavés
Les pierres sur les blindés
Elle cogne sur les fascistes
On la trouve dans les rêves des voyous
Dans les jeux des enfants
La connaissance du corps
L’orgasme de l’esprit
L’envie dévorante
Le discours transparent.

Qui a dit qu’elle n’existe pas
Qui a dit qu’elle n’existe pas

On la trouve dans le fond de tes yeux
À la pointe des lèvres
On la trouve dans le pistolet-mitrailleur poli
Dans la fin de l’État

Elle existe, elle existe. Oui qu’elle existe.
Mais qui a dit qu’elle n’existe pas…

Ceux d’entre nous qui restent
Se souviendront le plus loin qu’ils peuvent,
Nos enfants, qui sait, se souviendront,
Un jour, le monde se souviendra.
On dira : “Ceux-là vécurent
Au temps des bons camarades.
Quelle époque formidable
Cela dût être, quoique le présent
Soit merveilleux aussi.”
Notre souvenir revivra, à nous
Tous, toujours, en chacun,
Quand viendront les beaux jours si éloignés.
S’ils n’adviennent jamais,
Nous n’en saurons rien. Qu’importe.
Nous avons le mieux vécu, nous les hommes
Les plus heureux de notre temps.

Kenneth Rexroth

Nous avons embarqué les ciels les plus lointains, les plus déconcertants, étrangers comme nous, recouverts de la poussière de tant d’errances, et cependant la main ouverte comme des yeux d’enfant. Dans les replis de la vie, de sa mélancolie s’écoule la petite éternelle musique.

Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure.

Hölderlin.

The universal falsification will progress as long as the people do not desert it.