La démocratie totalitaire qu’a instaurée la dictature du libre-échange a été contrainte de rafistoler la peur dont aucun pouvoir hiérarchique ne peut se passer. Après la retombée d’une panique suscitée par la gestion tragi-comique du coronavirus, après le flop de la terreur nucléaire importée d’Ukraine, après une trop incertaine invasion d’extra-terrestres, on se serait volontiers rabattu sur ce furoncle d’extrême droite qui avait servi à Mitterrand pour assainir sa fistule pétainiste, mais l’abcès était crevé de longue date.
C’est donc à une terreur en panne d’idéologie, à une répression aveugle, à un viol collectif, à une horreur sans appellation contrôlée que recourent désormais les forces de l’Ordre étatique et supra-étatique.
Nous sommes la proie d’un fascisme botté, casqué, motorisé, violant, violeur, matraqueur, éborgneur, tueur. Il ne relève pas du parti d’extrême-droite, même si celui-ci applaudit à ses exploits.
Sa barbarie porte le sceau de la légalité. Elle est le mode d’expression des milices gouvernementales et mondialistes. Le fascisme est le bras armé du parti de la mort. Il est par excellence le culte de la charogne. Il en perçoit la dîme.
Ensauvagés par le ressentiment, les frustrations dont ils se vengent en tabassant et en massacrant ce qui passe à portée, les policiers ont quelques raisons de se gausser de notre indignation, de nos protestations humanitaires, de nos pétitions, de nos cahiers de doléances. Pourquoi se priveraient-ils de ricaner quand ils nous voient implorer la clémence de pantins mécanisés dont ils enragent secrètement d’être la vile serpillière ?
Ce qu’ils attendent fébrilement n’est pas qu’on les aime mais qu’on les haïsse.
Leur haine de soi et de la vie se nourrit de la peur qu’ils éprouvent et qu’il propagent. Les conflits du passé ne manquaient pas de clarté. L’ennemi faisait sens, il était le nazi, le communiste, l’envahisseur, le barbare venu d’ailleurs. Mais pour taper sur une foule de promeneurs, quelle raison la matraque invoquera-t-elle si, par le plus improbable des hasards, il lui arrive de penser ?
Cette absence de raison est par elle même une question. Ne pas y répondre la renvoie au demandeur. Il se peut qu’elle tourne et se retourne en lui, qu’elle le taraude de son absurdité. Mais combien de temps prendra-t-elle pour inciter la troupe à dresser la crosse en l’air ?
L’autre solution est de répondre mais en n’apportant pas la réponse attendue. Quelle est la réponse espérée ? L’exécration, le rejet, le mépris, la tenue de combat, la descente dans l’arène. Un comportement où nous perdrions notre humanité pour avancer en porte-à-faux et entrer en barbarie.
Puisque la réaction attendue est « on va vous rendre l’existence impossible », décrétons, à l’inverse, « nous allons vous rendre la vie possible. » Non par esprit de provocation mais parce que nous restons fidèles au projet humain qui est le nôtre.
Il serait illusoire, voire ridicule, de miser sur un travail de dissociation du policier, qui lui laisse une chance de recouvrer son humanité en désertant la machine à broyer le vivant, dont il est lui-même victime. Mais que risquons-nous à lui signifier – de loin et à l’abri de ses réflexes sado-masochistes – que nous ne voulons ni pardon ni talion ? Que nous voulons seulement que la vie soit à tous et à toutes, sans exclusion.
Nous n’avons pas de message à adresser, nous avons une expérience à mener sans discontinuer. Il nous appartient de poursuivre l’occupation de notre terre, d’autogérer notre eau, de fonder partout dans le monde des micro-sociétés où les assemblées permettent à chacun la libre expression de ses désirs, leur affinement, leur harmonisation (l’expérience zapatiste montre que c’est possible.)
Osez parler d’utopie et de chimère alors que la France retrouve l’élan qui la libéra de l’Ancien régime ? Alors que s’esquissent sous nos yeux des collectivités où s’incarnent dans l’authenticité vécue ces idées d’égalité, de liberté, de fraternité, qui avaient été vidées de leur substance ?
Notre révolution sera celle de la jouissance contre l’appropriation, de l’entraide contre la prédation, de la création contre le travail.
Ne rien céder sur l’invariance de notre projet humain tisse une cohésion existentielle et sociale qui a les moyens et l’ingéniosité de pratiquer une guérilla démilitarisée soumettant à un harcèlement constant le totalitarisme étatique pourrissant.
Ceux qui misent sur notre essoufflement ignorent que le souffle de la vie est inépuisable. A courir en revanche partout où l’on détruit leurs machines, comment les oppresseurs ne s’étoufferaient-ils pas à perdre haleine ?
Nous entrons dans l’ère de l’autogestion et du renversement de perspective.
Nous n’avons connu de vie que sous l’ombre glacée de la mort. Nous n’avons rien entrepris sans penser que notre entreprise était vaine et insensée.
La France, en se soulevant, ouvre au monde des voies radicalement nouvelles. La créativité poétique du « peuple des bassines » s’inscrit dans un mouvement d’autodéfense du vivant appelé à croître, à se fédérer, à multiplier, non par volontarisme mais parce que c’est cela ou se momifier dans un environnement sans insectes et sans oiseaux.
Nous ne sommes ni Sisyphe ni Prométhée, nous refusons les sacrifices, à commencer par le sacrifice de notre existence. Nous sommes des individus conscients que la vie et la terre leur ont été données avec un mode d’emploi dont ils sont en tant qu’humains les seuls détenteurs.
La vie en quête d’humanité a tous les droits, elle n’a aucun devoir. Tel est le renversement de perspective qui nous affranchit du ciel des Dieux et des idées, et nous remet droit debout, bien ancrés sur la terre.
Nous sommes arrivés à un point de rupture avec un passé qui nous a mécanisés (le comportement militaire en fait partie). Nous sommes le point de départ d’un présent qui ne régressera plus. Nous sommes la renaissance d’une vie que rien n’a réussi à étouffer et qui maintenant revendique sa souveraineté.
Regardez ! Nous étions une poignée de gueux, le gratin des rien-du-tout. Nous sommes des millions à découvrir une intelligence du vivant qui nous tient quitte de l’intelligence morte, qui nous a gérés comme des choses. Nous ne sommes plus une marchandise. Nul besoin de fanfaronner pour le faire savoir. Commençons par la base : plus d’école inféodée au marché, plus d’agriculture dénaturée, plus d’ordres à donner ni à recevoir !
Il faut cesser de raisonner en termes de victoire et de défaite, comme des encasernés. La militarisation des corps et des consciences, ça suffit !
Ce qui effraie le Pouvoir, c’est moins le grand nombre des opposants que la qualité de la vie qu’ils revendiquent. Lors des grèves anciennes, les patrons redoutaient moins l’ampleur numérique du mouvement que la joie profonde qui animait les insurgés. Ils avaient les moyens d’en venir à bout grâce au chantage habituel du « pas de travail, pas de salaire ! ».
Alors que le capitalisme annonce aujourd’hui sans ambages que la hausse du prix des denrées et la baisse des salaires sont inéluctables, que l’on m’explique comment le chantage traditionnel a la moindre chance d’obtenir une reprise générale du travail ! On comprend en revanche que l’État – tenu d’enrichir ses pourvoyeurs – n’ait plus, pour masquer sa faillite sociale, qu’à tabasser ce peuple dont la présence le terrorise. Mais pendant combien de temps ?
Qu’on ne nous accuse pas de vouloir abattre l’État. Il s’abat tout seul et il s’abat sur nous.
Son inutilité dévastatrice nous met en demeure de palier, par la création de zones d’autodéfense du vivant, la disparition programmée des biens dont il nous pourvoyait jadis quand il se souciait d’une communauté citoyenne. Ce n’est pas le tout de mourir, il faut bien vivre !
Rien ne résiste à l’autodéfense du vivant.
Il n’est pas une seule forme de gouvernement qui n’ait fait le malheur des peuples censés bénéficier de ses bienfaits. A peine sortis des pires dictatures, nous avons hérité de la meilleure, si l’on peut qualifier ainsi un totalitarisme économique où le politique perd pied tant se déversent et s’amoncellent en cette fin de parcours les excréments de ce qui fit la gloire du passé – aristocratie, démocratie, oligarchie, impérialisme, monarchie, autocratie et tutti quanti.
C’est de ce tout-à-l’égout où ils s’enlisent que nos ennemis prétendent mener contre nous une guerre à outrance ? Voire ! Nous sommes capables de frapper, de disparaître, de resurgir où on nous attend le moins. Nous avons appris des guérillas traditionnelles que leur échec fut moins le fait de la violence répressive que de leur propre organisation interne où se perpétuait la structure hiérarchique du monde dominant. Souvenez vous de l’effarement des élites françaises devant les gilets jaunes : « où sont donc les chefs, les responsables avec qui discuter ? » Eh non ! Il n’y en avait pas. Faisons en sorte qu’il n’y en ait jamais !
L’autogestion est une expérience qui a prouvé sa viabilité dans l’Espagne révolutionnaire de 1936, avant d’être écrasée par le parti communiste. Elle est l’organisation par le peuple de la satisfaction des besoins et des désirs de celles et de ceux qui le composent. Ses principes théoriques prennent naissance dans le vécu des collectivités où lutter ensemble enseigne un art des accords et des discordances qui n’est pas étranger aux résonances musicales de l’existence individuelle et de la nature. Partout où apparaissent des zones d’autodéfense du vivant, l’intelligence du cœur l’emporte sur l’intelligence de la tête et enseigne à tout réinventer.
Ce que mai 1968 nous a légué de plus radical, c’est le projet d’occupation d’usines où les prolétaires commençaient à envisager de les faire tourner au profit de tous et de toutes (éventuellement en les reconvertissant). Le parti communiste s’y opposa violemment, ce fut sa dernière victoire avant l’effondrement définitif.
Le travail parasitaire et la spéculation boursière ont fait disparaître les lieux de production socialement utiles mais la volonté d’occuper des lieux où nos racines sont les racines du monde n’a pas fléchi. Récupérer les rues, les places, les communes, c’est un combat qui se livre à la base. Il n’est pas tolérable que les nourritures empoisonnées par l’industrie agro-alimentaire pourrissent l’air ambiant et pénètrent dans nos cuisines où nous avons le bonheur de concocter des plats sains et savoureux.
La terre est un lieu de jouissance humaine, non une jungle où règnent la prédation et l’appropriation. Nos libertés sont nourricières. Nous assistons à la renaissance d’une vie qui n’a que des commencements et ignore qu’il existe une fin.
« Nous avons moins besoin d’adeptes actifs que d’adeptes bouleversés » disait Antonin Artaud. Les situations à construire n’ont surtout pas besoin d’adeptes, mais de gens bouleversés devenus bouleversants.
Comme analysé sans mérite dans « Généalogie du dieu argent« , la situation sociétale est en théorie assez simple : d’un côté, diversifiée selon les diverses panoplies du Spectacle, une masse conditionnée pratiquant la servitude volontaire, certains ayant atteint un état zombie très avancé, de l’autre, minoritaire, un ensemble hétéroclite d’individus plus ou moins isolés luttant contre leurs conditionnements, plus ou moins émancipés de toutes sortes d’idéologies. Le tout sous la pression des désastres écologiques présents et à venir, de la mise en place accélérée du despotisme technoscientifique, de la dictature renforcée des apparences démocratiques, d’une déshumanisation en profondeur des relations, sur fond de survie en sursis perpétuel. Le fond stratégique est alors lui aussi assez simple, puisque, comme le disait la chanson, la vie n’est pas la mort, la mort n’est pas la vie – puisque le Spectacle est déjà fini. Les bouleversements seront permanents et le réaliser suffira à les rendre bouleversants.
«Les Français vont voir des nouvelles images extrêmement violentes» annonçait Darmanin vendredi soir, la veille, sur la vomitive chaîne CNEWS.
Le ministre de l’Intérieur savait exactement ce qui était prévu le lendemain à Saint-Soline : une partie de ball trap destinée à briser physiquement et moralement les réseaux écologistes et anticapitalistes, mais plus généralement la contestation en plein essor qui menace de s’étendre.
Sur place, les 30 000 personnes ont pu atteindre le site de la mégabassine sans encombre et dans une ambiance plutôt festive. Mais une fois devant, ce cratère en terre battue – où il n’y avait strictement rien à casser – les abords avaient été transformés en camp retranché.
Malgré l’immense détermination et le courage sans faille des anti-bassines, c’était de toute évidence une place imprenable, destinée à mutiler.
Pendant des heures, ce fut donc un champ de tir et de désolation.
Grenades lancées par des blindés, assauts de gendarmes en quad qui tirent à vue aveuglément, détonations constantes, hélicoptères et drones dans le ciel. Dystopie en temps réel.
Plusieurs kilos de C4 ont explosé dans les champs de Sainte-Soline le 25 mars. 4000 grenades ont été tirées en quelques heures. Plusieurs personnes sont mutilées, un jeune homme est toujours dans le coma avec un pronostic incertain. Des milliers de personnes sont choquées.
Il s’agit de provoquer un traumatisme social, de diffuser la peur, de justifier par avance les brutalités à venir, et de désigner explicitement ou implicitement comme « terroristes » tous ceux qui essaieraient de s’équiper contre cette machine à broyer.
L’intérêt dans ce domaine consiste bien sûr à généraliser au plus vite. L’important dans cette sorte de marchandise, c’est l’emballage, ou l’étiquette. Tout ennemi de la démocratie spectaculaire en vaut un autre, comme se valent toutes les démocraties spectaculaires. « Mais de tous les crimes sociaux, aucun ne devra être regardé comme pire que l’impertinente prétention de vouloir encore changer quelque chose dans cette société, qui pense qu’elle n’a été jusqu’ici que trop patiente et trop bonne ; mais qui ne veut plus être blâmée » (Debord, Commentaires sur la société du spectacle).
.
Sainte-Soline, mars 2023., photo : Franck Dubray.
.
« Les premiers à avoir déclenché des tirs sont les forces de l’ordre. »
« En elle-même l’émeute n’est qu’un instant intense, à la fois léger et profond. Son but inhérent est dans sa propagation. La propagation d’une émeute d’un quartier à une ville, et d’une ville à toutes celles de l’Etat, d’un jour au lendemain, et du lendemain à toute une semaine, du mépris à la considération et de l’ignorance à la conscience universelle, constitue ce qui peut être appelé une insurrection. Et de même, une insurrection qui déborde les frontières d’Etat, qui prend la totalité comme son objet et qui révèle le fondement de la dispute humaine est une révolution. Il n’y a pas d’exemple de révolutions qui n’aient pas commencé par une émeute. »
Extrait du Bulletin n°1 de la Bibliothèque des Emeutes, 1990.
Photo de vitalina .
Sur le sens originel du mot.
Le mot « émeute » vient de « émouvoir », provoquer une émotion, du latin « emovere », dérivé de « moveo », mouvoir, mettre en mouvement, avec l’influence de « meute » qui , concernant les humains, désigne une « bande », « une troupe de gens furieux se soulevant pour dénoncer violemment leur condition. » : « Grande est l’émeute ; on court, on s’assemble on dispute » (Lafontaine). Son synonyme le plus proche est « mutinerie ». Le Littré évoque « un trouble qui se forme dans la rue, commence par un rassemblement, et n’a d’abord ni chef, ni dessein concerté. »
L’émeute est donc primitivement le soulèvement collectif d’une émotion – ou le soulèvement d’une émotion collective : du haut Moyen Âge à la Renaissance, une « Esmote » désignait une émotion collective prenant la forme d’un soulèvement populaire spontané. « Tumulte séditieux, soulèvement dans le peuple », indique ainsi le Dictionnaire de l’Académie française au milieu du 18ème siècle.
Photo de LT Chan.
Bref historique en France.
Dans sa forme contemporaine, le phénomène a émergé dans la seconde moitié des années 1970, dans les quartiers pauvres de l’agglomération lyonnaise. Avec la médiatisation des événements du quartier des Minguettes à Vénissieux en juillet 1981, il apparaît aussi en région parisienne. Analysant cette époque, les sociologues Christian Bachmann et Nicole Leguennec écrivent : « Contre qui se battent les émeutiers ? Contre un ennemi sans visage. Contre ceux qui les nient quotidiennement, les condamnent à l’inexistence sociale et leur réservent un avenir en forme d’impasse. »
A partir de 1990, une série d’émeutes éclatent, à Vaulx-en-Velin, Argenteuil, Sartrouville et Mantes-la-Jolie. En comparaison avec l’été 1981, les rapports entre jeunesse des quartiers et police urbaine ont monté d’un cran dans la violence et l’émeute s’est accompagnée de pillages et de dégradations importantes.
En 2005, l’émeute perd définitivement son caractère localisé pour s’étendre à l’ensemble du territoire national. Pour la première fois, une émeute se déroulant dans un quartier d’une ville a des répercussions à des centaines de kilomètres, à travers un processus de reconnaissance collective. Cette même année, durant trois semaines, des incidents surviennent dans près de 300 communes, occasionnant plus de 10 000 incendies de véhicules particuliers et plusieurs centaines d’incendies ou de dégradations à l’encontre de bâtiments publics. La panique est telle, au sommet de l’État, que le Premier ministre décide de recourir au couvre-feu. Le 8 novembre, est décrété l’état d’urgence, en application d’une loi du 3 avril 1955, votée au temps de la Guerre d’Algérie.
Les émeutiers interviewés dans la région parisienne donnent deux séries de raisons à leur colère. Les premières sont relatives aux événements de Clichy-sous-Bois et surtout à l’attitude des pouvoirs publics vis-à-vis de ces événements. C’est ce qui est considéré comme un déni et un mensonge de la part des autorités qui fonde l’indignation et donc le sentiment de légitimité morale de la colère émeutière. Les secondes raisons évoquent non pas le contexte de l’émeute mais certaines dimensions de l’expérience de vie quotidienne des jeunes, expérience qui nourrit en profondeur « la rage » et « la haine » explosant au moment de l’émeute. Cette expérience révèle un vécu d’humiliations multiples accumulées. Certains racontent des expériences de discriminations à l’embauche. La plupart font remonter leur sentiment d’injustice et d’humiliation à l’école (plusieurs seront dégradées). Tous disent enfin que la source quotidienne de leur sentiment d’injustice et d’humiliation est leur relation avec la police.
Photo de Kelly.
Réflexions.
Victor Hugo, qui a connu celles de 1830, 1832, 1848 et 1870, qui ont mis à bas la monarchie, écrit dans « Les misérables » : « De quoi se compose l’émeute ? De rien et de tout. D’une électricité dégagée peu à peu, d’une flamme subitement jaillie, d’une force qui erre, d’un souffle qui passe. Ce souffle rencontre des têtes qui parlent, des cerveaux qui rêvent, des âmes qui souffrent, des passions qui brûlent, des misères qui hurlent, et les emporte. »
Depuis 1989, l’association éditrice Belles Emotions, a publié plusieurs bulletins d’inspiration situationniste intitulés Bibliothèque des Emeutes regroupant des rapports concernant 500 émeutes ayant éclaté entre 1978 et 1995 dans de nombreux pays (USA, Afrique du Sud, Irak, Iran, Somalie, Europe…) assortis d’une réflexion théorique.
On y lit cette définition de l’émeute : « L’émeute est le seul moment pratique et public où l’aliénation, c’est-à-dire l’organisation d’une société qui empêche tout débat sur la finalité de l’humanité, est critiquée. Dès qu’une émeute est organisée, elle cesse d’être une émeute. C’est la force et la faiblesse de cette seule tribune des humains voulant maîtriser l’humanité : l’émeute est actuellement le seul mouvement de pensée plus rapide que l’aliénation.»
Même si l’émeute ne dure pas, elle réaffirme le désir indestructible de liberté, d’une humanité non asservie, non aliénée : c’est pourquoi elle est souvent joyeuse, occupe la rue, tient la ville, et s’en prend aux symboles de la domination : « Toutes trop vite noyées ou étouffées, les émeutes modernes n’en sont pas moins le vivant refus de la soumission et de la résignation, le pied-de-biche qui ouvre des perspectives… »
Quelles perspectives ? Bien souvent, estime la Bibliothèque des Emeutes, les émeutiers eux-mêmes l’ignorent. « Il n’est pas rare aujourd’hui de voir des émeutiers croire davantage ce qu’en dit un journal télévisé que ce que leur rappelle leur propre mémoire. »
C’est sans doute en brisant cet effet de spectacle que les émeutiers peuvent trouver ces perspectives à la racine même de leurs émotions : l’émeute a des raisons que la déraison spectaculaire ne connait pas.
.
PS. Ce texte est ouvert aux possibles commentaires, en vue d’améliorations, contributions, critiques éventuelles.
With the conjugation of so many years of isolation (of which the confinement was only a protrusion) and of so many shameless unpunished lies of a domination that did not want « to be blamed anymore » (Debord), although it had become obvious that it had lost « the knowable center », as attested by its ridiculous missteps, its laughable speeches and its out-of-ground calculations, after all this, all this infamous heaviness that lead the desires and even more the consciences, here is that from the atomized crowd resurfaces the true common good; here is that a people is reformed.
The Situationist Observatory recently analyzed and described this rebirth in the last part of its « Genealogy of the God of Money »: « Such is the corrosive force of illusion: the rich believe they are protecting themselves from ugliness, while their ugliness is becoming more and more apparent to everyone; consequently, the poor of the whole world believe the rich less and less; the less they believe them, the more the secret alchemy operates; the more the peoples are reformed as the only universal force capable of bringing back the true to the world. »
The immediate richness produced by this reformation is that it instantly brings back the contestation of domination to the heart of society, and simultaneously proposes its practical refutation. On the one hand, power reigns but no longer divides; on the other hand, relations suddenly improve in their most elegant horizontality. Solidarity resurfaces, with the poetry of celebration, driven by collective intelligence, which is learning that it exists, since it has dropped the Smartphones.
Where the power sees only intolerable disorder, dialogues, critical reflection, generosity are being woven: in short, under the chaos, anarchy.
Of course, considering the coalition forces that are in front of us, that have known for so long how to stifle desires, to cement impotence, – and the political, media, economic and police arsenal they have at their disposal -, we are still far from a revolution; from a generalized return to self of the human being.
But France is living the first act of the reformation of the people and already, from Greece to Spain, a contagion is emerging.
It seems realistic to us to think that the catastrophic state of reality and of its governmental management will bring in due time the following acts.
As Debord diagnosed at the bedside of lost humanity, now men will be “forced to love freedom”.
.
.
La révolution est désormais dans toutes les têtes.
Avec la conjugaison de tant d’années d’isolements (dont le confinement ne fut qu’une saillie) et de tant de mensonges éhontés impunis d’une domination qui ne voulait « plus être blâmée » (Debord), bien qu’il était devenu manifeste qu’elle avait perdu « le centre connaissable », comme en attestent ses faux pas ridicules, ses discours risibles et ses calculs hors-sol, après donc tout cela, toute cette pesanteur infâme qui plombait les désirs et plus encore les consciences, voici que de la foule atomisée resurgit le véritable bien commun ; voici qu’un peuple se reforme.
L’Observatoire situationniste a récemment analysé et décrit cette renaissance dans la dernière partie de la « Généalogie du dieu argent » : « Telle est la force corrosive de l’illusion : les riches croient se protéger de la laideur, alors que leur laideur transparaît toujours plus aux yeux de tous ; conséquemment, les pauvres du monde entier croient de moins en moins les riches ; moins ils les croient, plus l’alchimie secrète opère ; plus se reforment les peuples comme seule force universelle capable de ramener le vrai dans le monde. »
La richesse immédiate produite par cette reformation est qu’elle ramène instantanément la contestation de la domination au cœur de la société, et en propose simultanément la réfutation pratique. D’une part le pouvoir règne mais ne divise plus, d’autre part les relations s’améliorent brusquement dans leur plus élégante horizontalité. La solidarité resurgit, avec la poésie de la fête, impulsée par l’intelligence collective, qui est en train d’apprendre qu’elle existe, puisqu’elle a lâché les Smartphones.
Là où le pouvoir ne voit que désordre intolérable, se retissent les dialogues, la réflexion critique, la générosité : bref, sous le chaos, l’anarchie.
Bien sûr, en considérant les forces coalisées qui sont en face, qui ont su si longtemps étouffer les désirs, cimenter les impuissances, – et l’arsenal politique, médiatique, économique et policier dont elles disposent -, on est encore loin d’une révolution ; d’un retour à soi généralisé de l’humain.
Mais la France est en train de vivre le premier acte de la reformation du peuple et déjà, de la Grèce à l’Espagne, une contagion se profile.
Il nous semble donc réaliste de penser que l’état catastrophique de la réalité et de sa gestion gouvernementale amèneront en temps utiles les actes suivants.
Comme l’avait diagnostiqué Debord au chevet de l’humanité égarée, maintenant, les hommes vont être « contraints d’aimer la liberté ».
La Libératrice vêtue de rouge et tous les esclaves libérés de leurs chaines partent à l’assaut du Veau d’Or gardé par des canons. – Théophile Alexandre Steinlen, 1903.
.
.
La revolución está ahora en la mente de todos.
Con la combinación de tantos años de aislamiento (del que el encierro no era más que un rasgo sobresaliente) y tantas mentiras descaradamente impunes de una dominación que « ya no quería ser culpada » (Debord), a pesar de que se había hecho evidente que había perdido « el centro conocible », Después de todo eso, después de toda esa infame pesadez que pesaba sobre los deseos y aún más sobre las conciencias, he aquí el verdadero bien común resurgiendo de la multitud atomizada; He aquí un pueblo reformado.
El Observatorio Situacionista analizaba y describía recientemente este renacimiento en la última parte de la « Genealogía del Dios Dinero »: « Tal es la fuerza corrosiva de la ilusión: los ricos creen protegerse de la fealdad, mientras que su fealdad se hace cada vez más evidente para todo el mundo; en consecuencia, los pobres del mundo entero creen cada vez menos a los ricos; cuanto menos les creen, más opera la alquimia secreta; cuanto más se reforman los pueblos como única fuerza universal capaz de devolver lo real al mundo. »
La riqueza inmediata que produce esta reforma es que lleva instantáneamente la contestación de la dominación al corazón de la sociedad, y simultáneamente propone su refutación práctica. Por un lado, el poder reina pero ya no divide; por otro, las relaciones mejoran de repente en su más elegante horizontalidad. La solidaridad resurge, con la poesía de la celebración, impulsada por la inteligencia colectiva, que está aprendiendo que existe, ya que ha abandonado los smartphones.
Allí donde los poderes sólo ven un desorden intolerable, se está tejiendo de nuevo el diálogo, la reflexión crítica y la generosidad: en resumen, bajo el caos, la anarquía.
Por supuesto, teniendo en cuenta las fuerzas de coalición que tenemos enfrente, que han sabido durante tanto tiempo cómo sofocar los deseos, cimentar la impotencia, – y el arsenal político, mediático, económico y policial del que disponen -, aún estamos lejos de una revolución; de un retorno generalizado del ser humano a sí mismo.
Pero Francia está viviendo el primer acto de la reforma de los pueblos y ya, desde Grecia a España, está surgiendo un contagio.
Por tanto, nos parece realista pensar que el estado catastrófico de la realidad y de su gestión gubernamental desembocará a su debido tiempo en los actos siguientes.
Como diagnosticó Debord a la cabecera de la humanidad perdida, los hombres se verán ahora « obligados a amar la libertad ».
Les témoignages de personnes interpellées laissent peu de doute sur la volonté de faire du chiffre, afin de justifier les violences policières.
Les vidéos montrant la bestialité des hordes de l’ordre sont également sans ambiguïté : il s’agit bien de terroriser et décourager les opposants.
C’est dire si le pouvoir a peur du potentiel insurrectionnel de la contestation en cours.
Voici que le peuple se reforme.
Le pouvoir règne mais ne divise plus.
La situation en train de se construire est grosse de tous les possibles.
L’intelligence stratégique sera l’arme décisive.
Regardez bien cette vidéo et la violence totalement disproportionnée avec laquelle est éjectée cette manifestante. On entend d'ailleurs le supérieur ( commissaire?) lui dire très clairement de se calmer et de la relever. 🤮🤮🤮🤮 pic.twitter.com/C7xDJLOFHo