« Pourriez-vous s’il vous plaît reconnaître l’imposture que vous appelez « démocratie », qui consiste à choisir parmi vos candidats déjà choisis lequel nous manipulera, et exposer enfin clairement l’absurdité de cette non vie que vous nous faites vivre, qui se résume à produire comme des machines et consommer comme des zombies des objets empoisonnés qui nous rendent malades et pourrissent la terre, pour la publicité desquels des millions sont investis, qui en augmentent le prix et l’illusion, et l’aberration de l’accumulation d’argent entre les mains des riches au détriment de l’immense majorité des gens qui peinent à joindre les deux bouts, quand il reste des bouts, et nous montrer l’étendue du scandale de vos privilèges qui rendent si insultante votre condescendante démagogie, et comment vous êtes main dans la main avec les fossoyeurs industriels de la terre et de nos jours, et aussi avec tous ces médiatiques rassis bien assis qui nous saoulent de leurs airs complices, et ouvrir pour finir bien grand le rideau en lambeaux censé masquer le mirage qui nous entraîne dans le naufrage universel, sans arche pour en réchapper, ou bien vous pensez-vous ses guides indispensables quoi qu’il en coûtera, tout en préparant ce monde ravagé où vous essaierez de survivre à l’asphyxie depuis vos bunkers et vos guerres sans merci ? Merci. »
Nos efforts, nos ennuis, nos échecs, l’absurdité de nos actes proviennent la plupart du temps de l’impérieuse nécessité où nous sommes de figurer des personnages hybrides, hostiles à nos vrais désirs sous couvert de les satisfaire.
Le rôle est cette caricature de soi que l’on mène en tous lieux, et qui en tous lieux introduit dans l’absence.
Et plus la vie quotidienne est pauvre, plus s’exacerbe l’attrait de l’inauthentique. Et plus l’illusion l’emporte, plus la vie quotidienne s’appauvrit. Délogée de l’essentiel à force d’interdits, de contraintes et de mensonges, la réalité vécue paraît si peu digne d’intérêt que les chemins de l’apparence accaparent tous les soins. On vit son rôle mieux que sa propre vie.
Mais tant vont les noms aux choses que les êtres les perdent.
De même que nous sommes condamnés à la survie, nous sommes condamnés à faire « bonne figure » dans l’inauthentique.
Si l’individu voulait considérer le monde non plus dans la perspective du pouvoir mais dans une perspective dont il soit le point de départ, il aurait tôt fait de déceler les actes qui le libèrent vraiment, les moments les plus authentiquement vécus, qui sont comme des trous de lumière dans la grisaille des rôles.
Observer les rôles à la lumière du vécu authentique, les radiographier si l’on veut, permettrait d’en détourner l’énergie qui s’y est investie, de sortir la vérité du mensonge. Travail à la fois individuel et collectif.
Egalement aliénants, les rôles n’offrent pas pour autant la même résistance. On se sauve plus aisément d’un rôle de séducteur que d’un rôle de flic, de dirigeant, de prêtre. C’est ce qu’il convient pour chacun d’étudier de très près.
Collectivement, il est possible de supprimer les rôles. La créativité spontanée et le sens de la fête qui se donnent libre cours dans les moments révolutionnaires en offrent de nombreux exemples. Quand la joie occupe le cœur du peuple, il n’y a ni chef ni mise en scène qui puisse s’en emparer.
C’est sans conteste de l’inadaptation à la société du spectacle que viendra une nouvelle poésie du vécu, une réinvention de la vie.
L’effacement de la personnalité accompagne fatalement les conditions de l’existence concrètement soumise aux normes spectaculaires, et ainsi toujours plus séparée des possibilités de connaître des expériences qui soient authentiques, et par là de découvrir ses préférences individuelles. L’individu, paradoxalement, devra se renier en permanence, s’il tient à être un peu considéré dans une telle société. Cette existence postule en effet une fidélité toujours changeante, une suite d’adhésions constamment décevantes à des produits fallacieux. Il s’agit de courir vite derrière l’inflation des signes dépréciés de la vie. La drogue aide à se conformer à cette organisation des choses ; la folie aide à la fuir. Guy Debord, Commentaires sur La société du spectacle.
La notion d’observatoire renvoie pour nous étymologiquement à la théorie (de θεωρέω, theôréô : « examiner, regarder, considérer ») : l’action d’observer. C’est peu de choses, et nous sommes peu de choses. Nous n’avons pas idée d’être une avant-garde de quoi ou de qui que ce soit, mais nous nous efforçons, dans et par nos observations, de marcher au pas de la réalité (« être d’avant-garde, c’est marcher au pas de la réalité » – I.S, numéro 8).
Nous n’avons ni la prétention de faire aussi bien que les situationnistes, ni d’en être les héritiers, et nos publications à ce jour montrent assez ce qui nous en rapproche et ce qui nous en distingue.
En très bref, ce qui nous en rapproche, c’est de reconnaître activement – c’est-à-dire en nous en servant – la vérité pratique centrale du concept de spectacle (centralement), pour la compréhension et l’intelligence du monde. Ce qui nous en distingue, c’est d’une part une plus grande ouverture à des positions différentes, dont nous cherchons les compatibilités, et aussi de ne pas avoir l’injure ou l’insulte faciles, ce qui nous semble justement un peu trop facile, et sans intérêt.
Une des motivations à l’origine de la formation de l’observatoire, est d’avoir longuement constaté à quel point d’une part le concept de spectacle était intégré au spectacle, pour être si possible définitivement désamorcé ; d’autre part, et a contrario, systématiquement éludé, oublié, abandonné, dans la très grande majorité des publications à vocation ou prétention radicale.
Nous nous sommes efforcés jusqu’ici, avec nos moyens, de le ramener au jour, non par coquetterie ou comme décoration, mais pour en actualiser la réappropriation ; et à vrai dire pour l’instant nous sommes un peu satisfaits des premiers résultats.
Au-delà de ces points rappelés (déjà abordés dans la revue), nous ne prétendons à rien ; certainement pas à devenir une nouvelle internationale, pas plus à reprendre pour une énième fois le bilan sur les situationnistes (et les post-situationnistes), que ce soit pour les encenser ou les salir.
Ils nous ont beaucoup servi, nous nous en servons. Il n’y a pas d’exclusive là-dedans, ni d’exclusion.
On nous a reproché, tout-à-fait gratuitement, de leur vouer un culte, parfois du seul fait de citer Debord, ou bien de vouloir apporter quelque chose de plus ou de nouveau à l’excellence définitive de tout ce qu’ils auraient fait et dit, du seul fait de ne pas nous borner à les citer ou du fait plus douteux encore d’oser ajouter le terme situationniste à notre activité.
Il ne transparaît pourtant nulle part aucun culte de Debord dans nos productions ; nous n’avons pas non plus bricolé quelque nouveau concept foudroyant et nous ne sommes pas plus situationnistes que toute personne qui utilise, plus ou moins consciemment, l’outillage théorique anti-spectaculaire.
Enfin, pour terminer ce petit tour d’horizon, nous dirons quelques mots sur ce qui peut se dire ici et là à notre propos et aussi sur les contacts qui peuvent s’établir avec nous.
Si on nous tient généralement dans un silence prudent (ce que nous pouvons comprendre) et l’ignorance délibérée (ce qui est un sort banal que nous assumons volontiers), on a pu déjà, quoique très rarement encore, évidemment nous calomnier à divers degrés de délire, de manipulation ou de ressentiment. Nous disons qu’il suffit à toute personne honnête de s’enquérir de qui le fait et de comment, pour renvoyer tout naturellement ces crachats à l’expéditeur.
Mais nous avons aussi et bien plus souvent reçu des marques de sympathie et d’intérêt, qui évidemment nous font le plus grand bien, et nous aident à grandir, puisque nous sommes assurément critiquables.
Et puis enfin, nous recevons assez régulièrement des propositions de collaborations. Certaines sont, de toute évidence, suspectes (et comiques), et il n’a pas été trop difficile de les dissuader jusqu’ici. D’autres sont apparemment pleines d’enthousiasme, mais très désarmées ou motivées par l’espoir d’associer son nom à notre entreprise, ce que son anonymat suffit à décourager, une fois qu’il a été rappelé. Enfin quelques-unes, discrètes, apportent de très utiles contributions à la poursuite et l’amélioration de notre entreprise.
Nous ne savons pas si celle-ci aura à la fin été utile à l’époque, ou du moins à quelques-uns dans cette époque, mais nous ne pouvions pas faire moins que ce que nous essayons de faire, qui est une préparation stratégique à la fonte de la banquise de la société du spectacle.
PS. Un extrait amusant d’un échange récent :
« … Je serai ravi de discuter sérieusement de la société du spectacle… pas sûr que Debord apprécie les épigones… »
« Pour tout vous dire Debord n’apprécierait probablement pas que qui que ce soit parle au nom de l’internationale situationniste… donc, par respect pour lui, je décline votre offre. »
L’offre de discussion que vous déclinez était de vous… Pour le reste, nous ne parlons pas au nom de l’internationale situationniste. De même, nous ne parlons pas au nom de Debord, pour évaluer ce qu’il apprécierait ou non. Par respect pour lui d’une part, et aussi parce que nous ne sommes pas ses suivistes. Il eut suffit de jeter un œil sur nos publications, sans même le faire sérieusement, pour comprendre tout cela. Nous préférons, au respect passif des situationnistes, en faire usage librement. Sans autre prétention.
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On trouve sur la page d’accueil du site : d’autres éléments de présentation, les archives de nos publications, un moteur de recherche par mots clés, les liens des 3 PDF de la revue, les liens du livre Généalogie du dieu argent.
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Observations about the observatory.
The notion of observatory refers for us etymologically to theory (from θεωρέω, theôréô: « to examine, look at, consider »): the action of observing. This is little, and we are little. We have no idea of being a vanguard of anything or anyone, but we strive, in and through our observations, to walk in step with reality (« to be vanguard is to walk in step with reality » – I.S, number 8).
We have no pretension of doing as well as the situationists, nor of being their heirs, and our publications to date show enough of what brings us closer to them and what distinguishes us from them.
In very short, what brings us closer is the active recognition – that is, the use – of the central practical truth of the concept of spectacle for the understanding and intelligence of the world. What distinguishes us from it is, on the one hand, a greater openness to different positions, whose compatibilities we seek, and also not to have the easy insult or the insulting, which seems to us precisely a little too easy, and without interest.
One of the motivations at the origin of the formation of the observatory, is to have noticed for a long time to what extent on the one hand the concept of spectacle was integrated to the spectacle, to be if possible definitively defused, on the other hand, and a contrario, systematically evaded, forgotten, abandoned, in the very great majority of the publications with a radical vocation or pretension.
We have tried until now, with our means, to bring it back to the day, not by coquetry or as a decoration, but to actualize its reappropriation; and to tell the truth, for the moment we are a little satisfied with the first results.
Beyond these recalled points (already addressed in the journal), we don’t pretend to do anything; certainly not to become a new international, nor to take up for the umpteenth time the assessment of the situationists (and post-situationists), whether to praise them or to sully them.
They have served us well, we are using them. There is no exclusivity in this, no exclusion.
We have been reproached, quite gratuitously, for worshipping them, sometimes for the mere fact of quoting Debord, or for wanting to bring something more or something new to the definitive excellence of everything they have done and said, for the mere fact of not limiting ourselves to quoting them, or for the even more dubious fact of daring to add the term situationist to our activity.
However, nowhere in our productions is there any cult of Debord; nor have we cobbled together some new lightning concept, and we are no more situationists than anyone else who uses, more or less consciously, the theoretical tools of anti-spectatorship.
Finally, to conclude this little overview, we would like to say a few words about what may be said here and there about us and also about the contacts that may be established with us.
If we are generally kept in a cautious silence (which we can understand) and deliberate ignorance (which is a commonplace fate that we gladly accept), we have already been slandered, although very rarely, to varying degrees of delirium, manipulation or resentment. We say that it is enough for any honest person to inquire who is doing it and how, to naturally return this spittle to the sender.
But we have also and much more often received expressions of sympathy and interest, which obviously do us a great deal of good, and help us to grow, since we are certainly open to criticism.
And finally, we receive quite regularly proposals of collaborations. Some of them are obviously suspicious (and comical), and it has not been too difficult to dissuade them so far. Others are apparently full of enthusiasm, but very disarmed or motivated by the hope of associating their name with our company, which their anonymity is enough to discourage, once they have been called back. Finally, some of them, discreetly, make very useful contributions to the continuation and improvement of our enterprise.
We don’t know if this one will have been useful in the end, or at least to some in this time, but we couldn’t do less than what we are trying to do, which is a strategic preparation to the melting of the ice of the spectacle society.
PS. An amusing excerpt from a recent exchange:
« …I’d be happy to have a serious discussion about the society of the spectacle…not sure Debord appreciates the epigones… »
« To tell you the truth, Debord probably wouldn’t appreciate anyone speaking on behalf of the situationist international… so, out of respect for him, I decline your offer. »
The offer of discussion that you decline was from you… For the rest, we do not speak in the name of the situationist international. Likewise, we do not speak in the name of Debord, to evaluate what he would or would not appreciate. Out of respect for him on the one hand, and also because we are not his followers. It would have been enough to look at our publications, without even doing it seriously, to understand all this. We prefer, to the passive respect of the situationists, to use them freely. Without further pretension.
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On the home page of the site you will find: other elements of presentation, the archives of our publications, a keyword search engine, links to the 3 PDFs of the review, links to the book Genealogy of the Money-God.
« Qui regarde toujours, pour savoir la suite, n’agira jamais : et tel doit bien être le spectateur. »
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle.
Une importante majorité approuve la contestation. Où sont-ils ? 15 millions devant la télé pour le chef de l’État, 10 millions regardant les autres chaînes (bien nommées). La révolte par procuration. Si tous ceux qui se déclarent révoltés… se révoltaient, les rues, les lieux de travail, de consommation, les symboles de la finance, les antennes des médias… seraient envahis depuis des semaines par des dizaines de millions de personnes et ça déborderait de partout. On en reste aux images. Casser le scénario, casser les séquences, casser le rapport passif-consumériste, casser la société du spectacle. On en est loin.
Nous rendons publics ces quelques éléments de discussion interne, à toutes fins utiles (les commentaires sont ouverts pour toute contribution éventuelle sous quelque forme que ce soit).
Nous sommes face à un coup d’état décomplexé d’une oligarchie, d’une élite mafieuse et mondiale. D’où l’arrogance des décisionnaires. La décision du conseil d’état, loin d’être une surprise vu les précédents, est une provocation assumée par ceux qui ont la force et le droit pour eux, cache misère de ce triste spectacle de domination. Cependant cette clique déconnectée n’a pas pris la mesure de la vague protestataire et populaire qui s’accumule depuis les gilets jaunes. Macron apparaît comme la marionnette d’une dictature qui ne survivra pas à la décision du conseil constitutionnel. Il ne passera pas l’été ou au pire l’automne. Nous entrons dans la phase de résistance violente du peuple qui a compris, comme l’écrivait Simone Weil, que les partis politiques et le droit, sont les instruments, non de la démocratie, mais de la conquête du pouvoir et du maintien au pouvoir par l’auto légitimation de la loi, d’une caste économique. Le fascisme est là. Il n’est pas un accident de l’histoire, mais la logique même du capitalisme qui tend naturellement au monopole de l’économie et donc à l’esclavage généralisé, et au contrôle absolu du pouvoir et des esprits lorsque la technologie le permet, ce qui est le cas depuis la révolution informatique. Macron fera la fin de Louis XVI. Il vient de légitimer et de fonder la résistance violente à ce système.
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Ce que sent intuitivement le peuple, c’est que le droit ne vise pas le juste, mais à légitimer le pouvoir dont le droit est l’émanation.
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Lorsque la supercherie éclate au grand jour et dissipe l’illusion collective dans la croyance à la démocratie et que cela s’accompagne du sentiment d’humiliation face au mépris persistant d’un pouvoir verrouillant ostensiblement tous les contre pouvoirs, nous entrons de plain pied dans la phase révolutionnaire. L’extrême centre dont le pouvoir en place se réclame n’est que l’autre nom du fascisme. Il appelle naturellement son pendant, la révolution.
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La question que je me pose, c’est celle de la cohésion du peuple par rapport à son usure, les contraintes qui pèsent sur lui, ses restes d’illusions, ses divisions, son découragement face à l’immensité des forces et mécanismes qui le tiennent, et enfin a-t-il retrouvé à ce stade assez d’intelligence collective pour mener un combat créatif : sabotages, boycotts, occupations, perturbations d’un côté ; solidarités, générosités, de l’autre.
J’avais bien senti dès le début de l’année que les conditions d’un bouleversement insurrectionnel étaient réunies, tout en mesurant à quel point le peuple était pour ainsi dire à réinventer, tant il a été aliéné, atomisé et divisé depuis si longtemps.
Ce qui me semble sûr, c’est que la situation lui donne la possibilité de se reformer. Mais il y a de tels obstacles externes et internes qu’il me semble qu’il faudra encore bien des événements pour opérer les décantations nécessaires.
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Il me semble que ce sont les situations et les obstacles qui obligeront le peuple à élever son niveau d’intelligence collective et de résistance créative. C’est l’adversité qui forgera et unifiera le peuple. À ce stade, il y a des peuples, difficiles à cerner et à définir mais les bonnets rouges, les gilets jaunes, les victimes de la tyrannie sanitaire et de la crise covid, maintenant les retraites, tout cela tend à unir, à fusionner les attentes, les rancœurs et les désillusions face aux institutions qui ont montré leur degré de soumission à l’oligarchie et leur corruption. Il n’y plus de retour en arrière possible. Nous rentrons dans une phase d’accélération du mouvement après une première phase légitimiste et légaliste. La phase qui vient remettra en cause l’institution même de la cinquième république. Nous entrons dans une période cruciale où le pouvoir va se raidir, où des puissances étrangères auront aussi intérêt à soutenir le parti de la révolte ou celui de la répression dans un scénario à la syrienne. Tout est possible. Nous vivons peut-être en direct, depuis 2005 et le référendum trahi, les prémisses d’une crise de régime qui ressemble fort à la crise préludant à la guerre d’Espagne. Tout est possible.
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Nous assistons à la lente mais sûre cristallisation des colères et, à travers elles, de la lente prise de conscience par le peuple de sa réalité sociale et historique comme force politique.
Tout est question de définition dans la vie. La traduction avait toujours été une activité délicate de transposition des textes d’une langue dans une autre ; elle avait été une activité de création dans la mesure où il existait autant d’interprétations possibles d’un texte que d’écoles et de sensibilités, qui d’ailleurs se disputaient leurs choix de traduction comme des théologiens médiévaux. Mais d’un seul coup, à l’arrivée sur le marché de traducteurs automatiques dont les résultats défiaient tout ce qu’on connaissait jusque-là, cette activité ancestrale disparut et fut rebaptisée « biotraduction » lorsqu’il lui arrivait encore d’être pratiquée par un humain [1].
De divers côtés, on se mit à nous assurer que le métier de traducteur ne disparaissait pas ; il ne faisait que se transformer en métier de « post-édition » (défini par la norme ISO 18587-2017). On aurait toujours besoin d’humains entraînés et expérimentés pour contrôler les résultats fournis par la machine, notamment la « focalisation sur les manquements connus » [2] de celle-ci. Cette compétence constituerait un apport de créativité humaine dans les processus d’automatisation et elle pouvait tout à fait être monnayée sur le marché du travail comme une « plus-value » (assuraient certains).
Pourtant, il ne s’agissait déjà plus pour l’humain d’interpréter le texte d’origine, mais d’interpréter les résultats générés par un réseau de neurones artificiels, soit un algorithme s’appuyant sur un traitement statistique de la langue. Le Deep Learning traitait la langue comme du code ; les processus automatiques constituaient une boîte noire dont les humains ne pouvaient reconstituer les étapes (bien que des recherches s’efforçassent de transformer les systèmes dits opaques en systèmes dits transparents) ; le code se nourrissait des données que lui fournissaient les utilisateurs, pour perfectionner sans cesse sa ressemblance avec la performance humaine. Les versions les plus élaborées étaient spécialement entraînées pour un vocabulaire spécifique qui rendait la traduction automatique presque parfaite. Par exemple, l’application eTranslation utilisée par la Commission Européenne pour la traduction de textes officiels n’était pas adaptée pour un texte de littérature, mais adaptée à la langue technocratique que ses réseaux de neurones artificiels ingéraient continûment.
Mais comme les développeurs s’étaient bien rendu compte que la seule quantité de données ne suffisait pas à donner des résultats parfaitement fiables notamment en ce qui concernait les occurrences rares, une branche de l´IA nommée Human-in-the-Loop s’était développée, qui consistait à fournir à la machine un tel feedback pour l’entraîner justement à reconnaître les occurrences rares. Déjà, toutes les intelligences humaines, celles des concepteurs comme celles des utilisateurs, s’étaient mises au service de l’amélioration de la machine, afin de rétrécir au maximum, jusqu’à la limite de sa disparition, le champ de ce qu’on peut appeler la spécificité humaine (ou de sa différence ontologique), en quoi les humains travaillaient activement à leur propre obsolescence en ne faisant rien d’autre que de suivre leur libido de développeurs ou d’utilisateurs. Au bout de ce processus, l’humain n’aurait plus qu’à se battre pour la définition de lui-même devant une machine qui lui disputerait cette définition.
Certains — ceux rebaptisés biotraducteurs — commencèrent cependant à élever des craintes non seulement sur l’avenir de leur « métier », mais sur toutes sortes de biais et de risques induits par cette pratique. En réclamant par exemple une « transparence sur les pratiques de traduction », ils ne se rendaient pas compte qu’ils étaient en train de jouer dans une farce, parce qu’il était déjà devenu impossible de distinguer la biotraduction et la traduction automatique et qu’on ne pouvait tout de même pas espionner chaque ordinateur de chaque traducteur pour savoir s’il avait eu recours au générateur automatique de traduction DeepL. Ils s’accrochaient à l’activité qu’ils avaient toujours connue en résistant contre la déferlante automatique avec une nostalgie pour les compétences dites « supérieures » de l’esprit humain, pourtant aussi jetables que le reste. Car tous les métiers sont, depuis le début du capitalisme, principiellement remplaçables par une machine, dès lors qu’un procédé de substitution est mis au point. Ils avaient cru ces activités intellectuelles un bastion imprenable et ils réalisaient une fois de plus que le Capital ne connaît pas de tel bastion dans la progression incessante de ses nouveaux standards de productivité. Il s’approprie « votre créativité » avec la même fringale qu’il s’approprie votre « attention » ou encore l’atome, la cellule et le bit d’information.
La vénérable activité de traduction avait ainsi été recodée, comme le reste, dans les termes de l’épopée moderne du Capital. Tout ce qui existe n’arrêtait jamais de se diviser en deux fonctions, un biotravail et un travail automatisé. Le premier était naturalisé par le second, artificiel, qui représentait toujours l’avenir. Le biotravail était sans arrêt refoulé vers le passé et réduit à sa plus mince expression. Plus il reculait vers le passé, dans les limbes de la « nature », plus il devenait une sorte d’ultime défi, l’objectif étant de réaliser un réseau de neurones artificiel aussi « créatif » que vous, mais des millions de fois plus rapide à calculer. Karl Marx appelait le biotravail et le travail automatique : « travail vivant » et « travail mort ». (Mais comme le marxisme est passé de mode, nous utilisons volontiers les termes en usage aujourd’hui. Nous ne sommes pas à ce point attachés à un vocabulaire marxien et ne voulons offenser personne.)
Cette histoire n’est pas sans en rappeler une flopée d’autres qui se sont succédé depuis la première révolution industrielle. Après la deuxième guerre mondiale, par exemple, l’arrivée sur le marché d’engrais de synthèse et de pesticides à faire crever un cheval transforma l’activité du cultivateur de légumes sans pesticides en « producteur bio » tandis que l’agriculture se transformait sous le poids de la « révolution verte » en exploitations intensives de taille de plus en plus démesurée. Les économies d’échelle, réalisées par l’augmentation des volumes de production, conduisirent à la baisse des coûts de production unitaires, qui entraînèrent ce qu’on appelle souvent la « démocratisation » de la grande consommation dans le domaine alimentaire (il resterait à étudier ce que ladite démocratisation de la consommation a à voir avec la notion de démocratie, mais c’est un sujet qui ne peut pas être exploré ici).
Dès lors, le « producteur bio » se transforma en une sorte d’irréductible Gaulois systématiquement confronté à la concurrence déloyale des standards de productivité industrielle. Il fut obligé d’adopter les mêmes standards ou de périr, et il inonda à son tour le marché de « production industrielle bio » qui n’avait plus rien à voir avec son idée de départ. Mais même ce compromis n’assura pas sa survie dès lors que survenait la prochaine crise.
Le « petit producteur local » qui persistait à vendre sur le marché un cageot de carottes bio ratatinées pour le prix d’un produit de luxe n’avait pour sa part aucune chance de survivre à côté de son rival triomphant, le vendeur de carotte industrielle. La consœur bombée, rutilante, traitée, calibrée et bon marché avait toujours la faveur du chaland dont les goûts et les choix étaient de toute façon éduqués pour servir le sens de l´Histoire. La lutte métaphysique entre la carotte industrielle et la carotte bio se terminait toujours en déconfiture pour la seconde et en déconvenue pour son producteur. Mais pourquoi cela ? C’est que ce n’était pas une lutte à armes égales. Le Capital déterminait le sens de l’Histoire. Le sens de l´Histoire a par principe toujours raison et le sens contraire a toujours tort. Le scénario est déjà écrit.
L’important est de dire que le « producteur bio » était né en même temps que le « cultivateur industriel ». L’un était le doublon de l’autre, comme les deux faces d’une même pièce et comme la lutte entre le Bien et le Mal dans la culture populaire. A chaque nouvelle étape de son histoire d’expansion, le Capital créait de tels doublons, qui se livraient une lutte sans merci, systématiquement (et provisoirement) remportée par les standards les plus récents au détriment des précédents, jusqu’à ce qu’eux-mêmes soient remplacés par de nouveaux. C’est pourquoi les prophéties de paradis sur terre et d’apocalypse passaient leur temps à se disputer notre avenir. Le problème est que les producteurs bio n’avaient même pas conscience d’être des créations du Capital ; ils étaient persuadés de défendre une pratique naturelle et innocente.
Il n’y avait pas de doute que l’aboutissement de tout ceci ne pouvait pas être la victoire du Capital, puisqu’il sapait ses propres bases. Lorsqu’il n’y aurait plus personne pour travailler à part, disons, quelques actionnements humains, l’économie ne pourrait que s’effondrer sous le poids de la désubstantialisation de la valeur. Mais il était tout aussi certain que cette évolution ne pouvait pas conduire à la victoire de ses opposants précarisés, minoritaires et réprimés.
Revenons à la traduction. Le paysage se mit à ressembler en une marche parallèle des biotraducteurs et des traducteurs automatiques, où les post-éditeurs jouaient le rôle de médiateurs et de pacificateurs, parce qu’il n’était pas question pour eux de perdre l’opportunité de s’adapter : « L’évolution technologique est inéluctable et il est indiqué de cultiver l’ouverture (adossée à une posture critique réfléchie). » [3] Il est à noter que personne ne savait encore s’il était possible d’automatiser « une posture critique réfléchie ». Mais un tel progrès technique constituerait à n’en pas douter le couronnement de tous les efforts. Le développement logique de l’IA voulait bien sûr que la machine fût un jour supervisée non par un pauvre humain faillible (et qui se met parfois en arrêt-maladie), mais par une autre machine elle-même supervisée par une autre machine, etc. On pourrait représenter cette tendance par une fonction mathématique dont la limite à l’infini tend vers la réduction à un seul actionnement humain. Mais comme il était clair que ce dernier humain n’était lui-même pas infaillible et que la société démocratique était réticente à s’en remettre aux autocrates, il aurait fallu en vérité une « intelligence artificielle générale » qui aurait ingéré l’intégralité des données disponibles et qui serait en mesure de leur faire subir un traitement automatisé, ce qui n’était pas une mince affaire. Bien sûr, l’arbre décisionnel (de l’algorithme) serait soumis à l’implémentation artificielle de valeurs « centrées sur l’humain et dignes de confiance ». Malgré tout, le caractère obtusément téléologique de la machine — quintessence de la rationalité instrumentale — en effrayait certains : il est dans le principe de la machine de faire jusqu’au bout ce pour quoi elle est programmée et rien d’autre, ce qui peut avoir des conséquences fâcheuses même avec les meilleures intentions. Ce facteur de risque était le sujet préféré du philosophe transhumaniste Nick Bostrom.
Pourquoi tout cela ? Ainsi le voulait le sens de l’Histoire, le même qui recodait n’importe quelle opposition en bioconservatisme (c’est ainsi que les transhumanistes nommaient leurs opposants [4]). Le bioconservatisme, la biotraduction et la carotte bio étaient la ligne de défense d´une lutte qui ne cessait de reculer et d’accumuler les défaites, car elle était toujours déjà une cause perdue.
Alors il ne resta plus aux travailleurs en tous genres que l’adaptation au sens de l’Histoire, faisant de nécessité vertu. Les travailleurs de l’esprit — anciennement « traducteurs » ou « auteurs » — devinrent les fournisseurs de « plus-value » éthique, intellectuelle et artistique. Ils acceptèrent de prendre en charge le reste de biotravail que le travail automatisé voulait bien leur laisser comme des miettes (en attendant de se perfectionner grâce à l’apport continu de données qu’ils lui fournissaient eux-mêmes). Ils se mirent à le défendre et le valoriser avec les crocs, car ils étaient si bien calibrés pour servir la société du travail, qu’ils devaient absolument y défendre un morceau, même si ce morceau était mécaniquement promis à la même obsolescence que le reste par le Capital.
Ceux-là assuraient que nous pouvons faire un usage intelligent de la technologie, que nous sommes plus malins qu’elle et que nous pouvons maîtriser la situation. Leur argument principal était d’ailleurs que nous n’avons pas le choix, étant donné que la lutte misérable des biotravailleurs n’était pas une option sérieuse. Ils ne reculaient pas à affirmer que nous sauverons le monde avec la production bio de carottes industrielle et des post-éditeurs de traduction automatique consciencieux formés à la biotraduction. Plus ils protestaient de leur créativité individuelle, plus ils servaient à leur corps défendant l’appauvrissement général de la langue [5]. Ils auraient pourtant dû se douter que cette logique était aussi inéluctable que celle qui, dans l’agriculture industrielle, avait déjà détruit les sols, les nappes phréatiques, le climat et la « biodiversité » (ce nom technique avait rebaptisé ce que les humains de tous les temps avaient simplement considéré comme la richesse du monde et la science comme le produit complexe de l’évolution). La biocréativité et la biointelligence étaient assurément destinées à s’appauvrir autant que la biodiversité. Elles transformaient les humains en gestionnaires de processus automatisés. Mais les humains étaient tellement imbus de la supériorité de leur esprit qu’ils ne voyaient même pas combien leur propre création les menait par le bout du nez.
Ils semblaient décidément n’avoir rien appris des étapes précédentes, alors que c’était toujours la même histoire qui se produisait ; c’était tellement toujours la même que c’en était lassant à la fin. Ils s’accrochaient avec toutes les illusions de la subjectivité bourgeoise à leurs capacités individuelles surestimées, en oubliant la direction globale et inexorable du « sujet automate » (Karl Marx) qu’ils servaient à leur insu. Persuadés de subvertir la machine par un usage intelligent et un surcroît de finasserie — et souvent pleins de sympathies pour les hackers — ils servaient en fait les ruses de la raison capitaliste, celle qui les conduisait, eux, leur biointelligence, leur biocréativité et leur biocerveau, vers le même mur que toute la civilisation capitaliste.
Que faisaient les penseurs critiques dans toute cette histoire ? En général, ils étaient consternés par l’état de la défense. Ils voyaient bien que la lutte pour le biotravail ne constituait pas une défense viable. Mais ils voyaient aussi que l’avancement de l’automatisation réduisait toujours plus l’humain à un reste ontologique de sa propre création monstrueuse qui grignotait même l’activité de penser. Non pas, sans doute, l’activité individuelle de penser (celle-là même qui était constamment surestimée), mais le statut de cette activité de pensée dans la civilisation, à laquelle Freud avait — à la légère — attribué des capacités de sublimation collective (car il lui arrivait à lui aussi de céder à la surestimation des capacités intellectuelles de l’espèce et d’y voir un progrès). Les théoriciens critiques finiraient, comme les universitaires et les scientifiques, en superviseurs de processus automatisés, tandis que ceux qui ne voulaient pas s’y résoudre échoueraient dans quelque scène underground ou « autonome » tolérée par le système comme des formes de loisir légitimes, à côté des défenseurs du purin d’ortie.
Il était donc évident que si l’adaptation au sens de l’Histoire n’était pas émancipatrice, l’agrippement à son pôle passéiste non plus. Le bon vieux temps ne nous sauverait pas des sales temps qui viennent. Tout consentement à choisir constituait à la fin une compromission avec cette dynamique.
Cette situation scandaleuse conduisait de plus en plus de gens à déclarer que, dans les conditions du Capital, tout se valait et il n’y avait rien à faire ; il n’était plus possible de distinguer entre affirmation et négation, entre oui et non, entre gauche et droite… Ils devenaient tous postmodernes par force et, dans le meilleur des cas, prônaient des brèches de subversion qui, croyaient-ils, pourraient peut-être s’étendre. Ce faisant, ils oubliaient que les positions en présence ne sont pas symétriques ; elles sont déterminées par le sens de l’Histoire, de sorte que défendre un côté ou l’autre versait toujours encore du grain dans le sens historique prédéterminé par le développement du Capital. Il n’y avait toujours que deux possibilités : dans le sens du courant ou à contre-courant, mais c’était toujours le même courant. « Vous êtes embarqués », comme disait l’autre. Pas moyen de se retirer du rapport.
Bien sûr, colonisée par le Capital, la vie quotidienne imposait de choisir en pratique : le producteur finissait toujours par produire ou bien une carotte traitée ou bien une carotte non traitée au nom de sa petite conviction personnelle et par subir les conséquences qui s’ensuivent, pas très différentes ; le traducteur choisissait ou bien une traduction humaine ou bien une traduction automatique assistée ; et le consommateur rentrait toujours à la maison avec une carotte ou une autre, souvent fier de son « choix » entre deux marchandises. Choisir entre une carotte traitée vendue en promotion moins chère que celle du supermarché voisin et une carotte bio, sans emballage et « zéro carbone », c’était devenu le sommet du sens moral de l’homo œconomicus.
Et chacun devait toujours, finalement, gagner sa vie en défendant le biotravail que l’automatisation voulait bien lui laisser. Il n’y avait, semble-t-il, pas de troisième voie. Alors que faire en pratique ? Toute cette démonstration devait-elle conduire à la conclusion que, puisque le « non » est maudit, alors il ne reste que le « oui » au rapport social capitaliste ? La « critique radicale » était ainsi retournée comme une crêpe et jetée quand même dans l’adhésion factuelle à ce qu’elle critiquait avec sa tête, un bel exemple de la division du travail capitaliste. There is no alternative, on vous l’avait bien dit.
Pourtant, un détail continuait d’échapper à cette approche confinée dans l’opposition imaginaire de termes fixes : la dialectique nous a appris que la négation de la négation n’est pas équivalente à une affirmation. Le refus d’ériger la carotte bio en divinité de l’émancipation sociale ne signifie en rien l’obligation d’absoudre sa consœur chimique, trônant sur les étalages de marchandise capitalistes.
Comment donc donner forme à la négation de la négation, ou négation de la « synthèse sociale négative » (Robert Kurz) qui était en train d’acculer la critique dos au mur, au fur et à mesure que progressait l’automatisation de toutes les fonctions humaines ? Quelle forme pouvait prendre la critique si elle ne se limitait pas à une rhétorique que bientôt, n’importe quelle machine bien entraînée pourrait recracher comme un répondeur automatique ? La conséquence du choix impossible est peut-être qu’il n’y avait pas à choisir entre être l’idiot d’hier réalisant pendant des mois une traduction « à l’ancienne » pour un salaire encore plus compressé et l’idiot de demain se jetant sur la nouvelle machine qui lui fournit le même résultat en cinq minutes. On pouvait entériner le fait que la traduction était entrée dans la zone du travail mort en refusant de choisir entre ces deux options également idiotes.
Le refus de choisir dans tous les domaines où l’abstention pouvait être encore exercée était la seule façon d’exprimer le rejet des faux choix préfabriqués par les conditions du Capital. Ce refus ne pouvait être qu’impur et limité par l’obligation de chacun à survivre dans les conditions données. Mais dans une perspective émancipatrice, ce refus n’était pas négociable dans son principe. S’ils avaient poursuivi un horizon émancipateur, les biotraducteurs auraient fait savoir en masse qu’ils ne traduiraient plus et qu’ils ne consentiraient jamais à cette prolétarisation ontologique.
La contrainte n’est jamais si totale qu’elle ne laisse aucune marge de refus à l’emprise de la fausse alternative. Si toute la rue est fasciste, ce n’est pas encore un argument pour la rejoindre. Être jeté en prison n’expliquera jamais l’amour de la geôle. Lorsqu’une technologie se généralise, cela ne constitue en rien un argument en faveur du zèle de son adoption. En l’absence d’une telle différenciation, la négation de la négation se fait identique à l’affirmation et donne raison, en pratique, à quarante ans de nivellement postmoderne et, pour finir, à la politique du fait accompli. Le serrage de cette petite différence ne peut être que l’objet d’une « rupture ontologique » (Robert Kurz) digne de ce nom.