Une jeune femme atteinte d’une maladie incurable fait le choix de rompre avec le système médical, juste pour vivre jusqu’au bout d’une vraie vie.
Elle laissera son témoignage dans un petit livre intense, fruit d’une décision radicale : «Je suis devenue guerrière. Je ne me débattais plus, je me battais. »
Un combat au bon endroit : «Voleuse, je ne volais pas seulement de l’argent, mais aussi le temps et son usage. Je volais ma vie, je volais ma mort. La logique de l’argent nous plie de sa main de fer, nous prend toujours plus notre temps, notre intelligence d’être ensemble, de vivre. Alors mes vols (et je précise, toujours commis en douceur et au détriment de l’Etat et des banques) ne sont qu’une toute petite reprise en regard de la dépossession généralisée de soi dans l’esclavage salarié. »
Un combat d’une lucidité absolue : «L’argent est le ressort du monde, il n’épargne rien ni personne. Tout est destiné, à un moment donné, à se transformer en une certaine quantité d’argent : la qualité de l’air, de l’eau, ou encore l’état de santé des individus. Personne ne peut échapper à cette logique ; chacun subit son impuissance chronique. Dans le vaste laboratoire qu’est le monde de la marchandise envers lui même, la médecine a un rôle stratégique. En s’évertuant à combattre la maladie, protestation inconsciente du sujet, elle maintient le secret sur la dégénérescence des hommes. »
Logiquement, la dégradation, dévastation et la destruction de la nature sont faciles à percevoir, non seulement du fait de leur importance, mais d’abord par l’illusion qu’elles seraient extérieures à l’humain. Par contre, l’aliénation, la falsification, l’appauvrissement de l’humain et des relations humaines sont moins perçus, d’une part parce qu’ont disparu les points de comparaison, avec la disparition des anciennes communautés, mais surtout parce que cette dégradation touche directement l’intériorité, qui n’est pas visible. On continue ainsi à appeler humain ce qui risque de n’en avoir bientôt plus que l’apparence. La dissolution de l’humanité dans le monde de la marchandise est masquée par l’apparence humaine des comportements les plus marchands. La falsification tend à devenir le mode d’être universel que chacun doit produire et entretenir envers les autres comme envers soi. La disparition de l’humain est l’opération secrète de la guerre que le dieu argent mène partout. Cette guerre est la cause de tous les maux qui affectent la vie sur terre. L’industrialisation démente, la dénaturation de tout qui s’ensuit, ne sont que les symptômes les plus visibles de cette guerre. L’urgence vitale est la redécouverte et le rétablissement de relations humaines justes et vraies, belles et authentiques. Toute révolte collective peut en être l’occasion, quelles que soient par ailleurs ses motivations et revendications déclarées. À l’inverse, la perpétuation de relations de pouvoir, de manipulation, de nuisance, sous couvert de « critique », de révolte, fût-elle « radicale » enfonce encore un peu plus l’humain dans l’obscurité de sa misère existentielle. Contre l’éclat aveugle et destructeur du dieu argent, il n’y a d’autre issue et combat que le rayonnement du meilleur de l’humain.
Logically, the degradation, devastation and destruction of nature are easy to perceive, not only because of their importance, but first of all because of the illusion that they would be external to the human. On the other hand, the alienation, the falsification, the impoverishment of the human and of human relations are less perceived, on the one hand because the points of comparison have disappeared, with the disappearance of the old communities, but above all because this degradation touches directly the interiority, which is not visible. We thus continue to call human what risks to have soon only the appearance of it. The dissolution of humanity in the world of merchandise is masked by the human appearance of the most commercial behaviors. Falsification tends to become the universal mode of being that everyone must produce and maintain towards others as towards oneself. The disappearance of the human being is the secret operation of the war that the god money is waging everywhere. This war is the cause of all the evils that affect life on earth. The insane industrialization, the denaturation of everything that follows, are only the most visible symptoms of this war. The vital urgency is the rediscovery and re-establishment of just and true, beautiful and authentic human relationships. Any collective revolt can be the occasion for this, whatever its motivations and declared claims. On the contrary, the perpetuation of relations of power, of manipulation, of nuisance, under the cover of « criticism », of revolt, even if it is « radical », pushes the human being a little more into the darkness of his existential misery. Against the blind and destructive brilliance of the money god, there is no other way out and fight than the radiation of the best of the human being.
Against the cult of the money-god, the radical remedy to put in all pockets.
Contre le culte du dieu argent, le remède radical à mettre dans toutes les poches :
« Our position in relation to Amazon obeys an editorial strategy of camouflage and smuggling: no distributor-diffuser contacted (Hobo, Pollen, Belles Lettres, Harmonia Mundi, etc.) having so far responded to our repeated solicitations, it is for us a matter of being there, in spite of everything, present in our very singularity. »
Etymologie du mot « retraite » : du préfixe re, retour en arrière et du latin trahere, tirer, traîner, tracter.
Tout le monde – sauf les profiteurs du travail d’autrui, sauf les fanatiques de l’aliénation – tout le monde le sait ; et même plus que de le savoir, tout le monde le ressent, le subit, le vit et le survit : le travail salarié nous mutile, nous réduit, nous éteint, nous appauvrit. Et rien dans le monde des marchandises ne peut guérir cette sourde douleur.
La consommation est le poison qui permet de supporter le salariat en l’aggravant.
La véritable retraite, c’est de se retirer tous ensemble de ce processus mortifère dont les effets sur l’humanité et sur la nature n’ont que trop duré.
Il nous faut nous tirer en arrière, vers l’enfance qui joue. Et tout refaire dans un jeu planétaire.
Mais la conscience collective n’a pas encore, toujours pas franchi ce pas.
Alors, plus subtilement, chacun à son échelle, il s’agit dès à présent d’en faire le moins possible, de saboter le zèle, de répandre la nonchalance, de ralentir, de reprendre le temps de rêver, de s’apaiser, de penser – dans les moindres interstices que la contrainte salariée n’a pu coloniser.
Il s’agit donc de se créer tout de suite des espaces de retraite, et de les élargir aux moindres occasions ; bref, de se donner intelligemment le droit de goûter tout de suite aux joies d’une retraite anticipée.
En faire le moins possible, en défaire le plus possible.
We thought that our positions, which are still far from being fully deployed, and whose most significant expression is for the moment in the review, our positions, therefore, cannot obviously meet on every point the unanimity of our sympathetic observers, themselves undoubtedly different or divergent on various questions. We hope, however, to join us on the essential: this effort of radical lucidity emancipated from any ideology. All this to say that the essential cannot be, in our eyes, any ideological alignment but, on the contrary, on the basis of this will of a really independent lucidity, really free from any compromise; more and better than encouraging a resistance to lies and hypnoses, to free in practice for each and everyone a space where the personal existential truthfulness can not only breathe, but even spread naturally in the everyday life and immunize softly around it the receptive persons. Philosophical health, understanding this word in the most existential and anti-doctrinaire sense, is our main asset, and contribution. We therefore hope that our sympathetic observers will always know how to place above the differences or divergences this common ground that we patiently cultivate: which would already seem to us on our scale a salutary philosophical-existential success. The S.O can thus be conceived as one of the experimental grounds of what an emancipated humanity will have to do to survive and be reborn in the overcoming of its contradictions and its divisions.
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Nous avons pensé que nos positions, qui sont encore loin d’être pleinement déployées, et dont l’expression la plus significative se trouve pour l’instant dans la revue, nos positions, donc, ne peuvent évidemment pas rencontrer sur chaque point l’unanimité de nos sympathiques observateurs, eux-mêmes sans doute différents ou divergents sur diverses questions. Nous espérons par contre nous rejoindre sur l’essentiel : cet effort de lucidité radicale émancipée de toute idéologie. Tout cela pour dire que l’essentiel ne peut justement être à nos yeux un quelconque alignement idéologique mais, au contraire, sur la base de cette volonté d’une lucidité réellement indépendante, réellement libre de toute compromission ; plus et mieux que d’encourager une résistance aux mensonges et aux hypnoses, de dégager en pratique pour chacune et chacun un espace où la véridicité existentielle personnelle puisse non seulement respirer, mais même se diffuser naturellement dans la vie de tous les jours et immuniser doucement autour d’elle les personnes réceptives. La santé philosophique, en comprenant ce mot dans le sens le plus existentiel et le plus anti-doctrinaire, est notre principal atout, et apport. Nous espérons donc que nos sympathiques observateurs sauront toujours placer au-dessus des différences ou des divergences ce fond commun que nous cultivons patiemment : ce qui nous semblerait déjà à notre échelle une réussite philosophique-existentielle salutaire. L’O.S peut donc être conçu comme un des terrains d’expérimentation de ce qu’une humanité émancipée aura à faire pour survivre et renaître dans le dépassement de ses contradictions et de ses divisions.
« On the night of January 12, 2023, we set out in solidarity with our friends in the Lützerath Zad to sabotage the coal railroad in the Cologne city forest. With two strategically placed incendiary devices we hope to have stopped the coal delivery for a little while. RWE deserves nothing but our deepest hatred! Even if the cops occupy the whole Rhineland, they can’t watch us everywhere. The night belongs to us! Our action is part of a radical campaign to maintain the autonomous zone and against the worldwide destruction of the climate. The production of fossil fuels and the resulting exploitation of the planet must be stopped by all means. We salute all those in Germany and around the world who oppose climate destruction and oppression. Freedom for all! For a radical climate movement! »
.« Dans la nuit du 12 janvier 2023, nous nous sommes mis en route en solidarité avec nos ami.e.s de la Zad de Lützerath, afin de saboter la ligne ferroviaire de charbon dans la forêt de la ville de Cologne. Avec deux engins incendiaires placés de manière stratégique, nous espérons avoir stoppé pour un petit moment la livraison de charbon. RWE ne mérite rien d’autre que notre haine la plus profonde ! Même si les flics occupent toute la Rhénanie, ils ne peuvent pas nous surveiller partout. La nuit nous appartient ! Notre action s’inscrit dans une campagne radicale pour le maintien de la zone autonome et contre la destruction du climat à l’échelle mondiale. La production d’énergie fossile et l’exploitation de la planète qui en découle doivent être stoppées par tous les moyens. Nous saluons tous ceux qui, en Allemagne et dans le monde, s’opposent à la destruction du climat et à l’oppression. Liberté pour toutes et tous ! Pour un mouvement climatique radical ! »
« Humanity can at any moment recover, intact, its powers of beautification. »
Jaime Semprun, Andromache, I think of you!
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So there were meetings, night actions, unprecedented sabotage, nights of crazy discussions, drifting off to never sleep again, texts and more texts, leaflets, suburbs, books that were never paid for, and not only books, of course, and still other meetings, in the early morning, on the river bank too.
Among us the youth, and the elder: we take turns. Some of us have known, frequented, crossed paths with, approached and corresponded with well-known names in the radical milieu. We will mention only one of them, whose unfeigned elegance, all in existentiality, shone: Jaime Semprun.
It is true that he was radical, but broad and without blinkers. We gardened together, and discussed at length: the technological grip, spiritualities, rap, writing… He was intransigent and flexible at the same time – that is more than rare in this milieu. He did not belong to the spectacle of radicalism, which is even rarer. Nothing rigid, nothing mechanical, no easiness, no baseness, nothing inquisitorial: noble.
It is exactly what is needed.
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« L’humanité peut à chaque instant retrouver, intacts, ses pouvoirs d’embellissement. »
Jaime Semprun, Andromaque, je pense à vous !
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Il y eut donc des rencontres, des actions nocturnes, des sabotages inédits, des nuits de folles discussions, des dérives à ne plus jamais dormir, des textes et encore des textes, des tracts, des banlieues, des livres qui n’étaient jamais payés, et pas que des livres certes, et encore d’autres rencontres, au petit matin, au bord du fleuve aussi.
Parmi nous la jeunesse, et des anciens : on se relaie. Certains ont connu, fréquenté, croisé, approché, correspondu avec des noms connus dans le milieu de la radicalité. Nous n’en citerons qu’un, dont l’élégance non feinte, toute en existentialité – rayonnait : Jaime Semprun.
C’est vrai qu’il était radical, mais vaste et sans œillères. Nous avons jardiné ensemble, et longuement discuté : de l’emprise technologique, des spiritualités, du rap, de l’écriture… Il était intransigeant et souple en même temps – c’est plus que rare dans ce milieu. Il n’appartenait pas au spectacle de la radicalité, ce qui est encore plus rare. Rien de rigide, de mécanique, pas de facilités, de bassesses, rien d’inquisitorial : noble.
C’est exactement ce qu’il faut.
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« He soberly and quietly cultivated the truth. He never put his qualities on sale and he did everything to distance himself from the monster of publicity; he let it play its game by ignoring it. He was so capable of evading the spectacle that finding a picture of him in the media today is ‘mission impossible’. » (…) « What was really special about Jaime was that he made his greatness of spirit compatible with a surprising friendliness. (…) He was the most noble, open and generous person I have ever known. »
« Il cultivait sobrement et discrètement la vérité. Il n’a jamais mis ses qualités en vente et il a tout fait pour s’éloigner du monstre de la publicité ; il l’a laissé jouer son jeu en l’ignorant. Il était tellement capable de se soustraire au spectacle que trouver une photo de lui dans les médias aujourd’hui relève de la « mission impossible ». » (…) « Ce qui était vraiment spécial chez Jaime, c’est qu’il a rendu sa grandeur d’âme compatible avec une surprenante amabilité. » (…) C’était la personne la plus noble, la plus ouverte et la plus généreuse que j’aie jamais connue. »
Money has robbed the world of everything so that the world is empty, meaningless, and disenchanted – unless you have money.
And when one has money, it is not to live in a world, which is no longer anything but inessential, and peripheral, but to « live » the money, to participate in the universal representation of wealth.
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L’argent a dévalisé le monde de tout, de sorte que le monde est vide, sans intérêt, désenchanté – à moins d’avoir de l’argent.
Et quand on a de l’argent, ce n’est pas pour vivre le monde, qui n’est plus rien sinon de façon inessentielle, périphérique, mais pour « vivre » l’argent, pour participer à la représentation universelle de la richesse.