Et puis il y a les zombies. Masques et postures au rabais, phrases prépayées. Le zombie n’est pas sorti d’une tombe ; c’est une tombe de sortie. On en a vu pourtant reprendre vie ; il ne s’agissait pas d’un miracle, mais du fait que, dans une situation d’effondrement, quelques zombies se voient contraints d’aimer la liberté.
A noter cependant qu’en masse ou disjonctés, ils sont dangereux.
De façon générale, on passe son chemin, on longe le mur du con.
Inutile de les prendre de front, sauf circonstances favorables ; quand ils sont piégés, quand ils se sentent idiots : rares moments de lucidité, où la conscience radicale peut les atteindre, voire les transpercer de ses flèches agiles.
Car ils sont friables. Le zombie ne l’est pas à 100 % 24h/24. Le taux de zombification est également variable : un humain habite dedans, dans un état de dégradation mais aussi de réceptivité plus ou moins avancé.
On peut jouer là-dessus. Il faut être prudent façon renard, et y aller en douceur façon colombe ou attaquer façon tigre, ou décamper façon petit poisson ; le requin n’arrive pas à attraper l’ingénieux petit poisson.
Tout cela est affaire de circonstances, de motivation, d’enjeux, de goût ; de compassion aussi, car ils ne savent pas ce qu’ils sont. Le zombie se caractérise en effet par un haut degré d’insensibilité aux autres certes, mais aussi à soi-même.
Il marche au pas en boitant du dedans.
C’est la faille principale, celle qu’atteignent nos flèches, celle qui fait trembler leurs façades.
Ce qui nous amène à résoudre l’haletante question que La Boétie posa à sa façon : pourquoi les hommes ne se révoltent-ils pas ? La servitude n’est volontaire que tant que et parce que l’humain ne trouve pas d’issue. Il ne trouve pas d’issue parce qu’il a été divisé par ceux qui veulent régner. D’abord divisé les uns des autres, puis divisé de soi à soi. Son semblant d’unité tient à la cuirasse caractérielle qu’il s’est forgée dès l’enfance afin d’oublier – sous les coups répétés de l’ennui institué, des contraintes à la chaîne et des frustrations solitaires -, d’oublier l’innocence de l’être, la joie de vivre, le bonheur qui rebondit, le bouquet des merveilles qui s’offrait à ses yeux.
L’enfance veut se déployer au paradis, on lui inflige vite le b.a.-ba de l’enfer. Trimer, serrer les dents, faire bonne figure, tandis que la flamme s’éteint au-dedans. La vie grise qu’on nous vend a toujours un arrière-goût de cendres. Telle est la cartographie scientifique du zombie advenu, qui réclame notre indulgence et la mise en œuvre d’une stratégie adaptée, des fois que les apparences cesseraient de lui être trompeuses, ce qui lui pend au nez.
Observatoire situationniste n°3.
Zombies, instructions for use.
And then there are the zombies. Discounted masks and postures, prepaid phrases. The zombie did not emerge from a grave; it is an exit grave. Yet we have seen some come back to life; it was not a miracle, but the fact that, in a situation of collapse, some zombies are forced to love freedom.
It should be noted, however, that en masse or disjunct, they are dangerous.
Generally speaking, one passes by, one goes along the wall of the idiot.
It is useless to take them head-on, except in favourable circumstances; when they are trapped, when they feel like idiots: rare moments of lucidity, when radical consciousness can reach them, or even pierce them with its nimble arrows.
For they are brittle. The zombie is not 100% zombified 24 hours a day. The rate of zombification is also variable: a human lives in it, in a state of degradation but also of more or less advanced receptivity.
This can be played with. You have to be careful like a fox, and go gently like a dove, or attack like a tiger, or run away like a little fish; the shark can’t catch the ingenious little fish.
It’s all a matter of circumstance, motivation, stakes, taste; of compassion too, because they don’t know what they are. The zombie is characterised by a high degree of insensitivity to others, but also to himself.
They walk at a walking pace, limping from within.
This is the main flaw, the one that our arrows reach, the one that makes their facades tremble.
This brings us to the breathtaking question that La Boétie posed in his own way: why do men not revolt? Servitude is only voluntary as long as and because humans cannot find a way out. It has no way out because it has been divided by those who want to rule. First divided from each other, then divided from self to self. Its semblance of unity is due to the character armour it has forged for itself since childhood in order to forget – under the repeated blows of institutional boredom, chain constraints and solitary frustrations – the innocence of being, the joy of living, the happiness that bounces back, the bouquet of wonders that was offered to its eyes.
Childhood wants to unfold in paradise, but is quickly inflicted with the ABCs of hell. We have to grit our teeth and put on a brave face, while the flame inside is extinguished. The grey life we are sold always has an aftertaste of ashes. Such is the scientific cartography of the zombie that has come to be, which demands our indulgence and the implementation of an adapted strategy, once appearances cease to be deceptive, which is what is in store for it.
Observatoire situationniste n°3.
