Le monde-monde, 2.

Nous voilà maintenant au milieu du monde-monde, le rideau est levé.

Les comédiens jouent leurs rôles assignés dans une sorte de trans hallucinée.

Le super-héros avance, l’anus serré, consentant d’avance aux propositions douteuses, aux amitiés de paille, aux amours désincarnés.

C’est qu’il a peur au fond, marchant avec sa peur pour seule compagne, il baisse la tête souvent, se plie et se replie, jeu de loi sans cœur, se protège comme il peut, essuyant d’un revers de main les blessures narcissiques.

Nous voilà donc au centre du monde-monde, sur la place publique de la délation.

Ici, la souffrance est vécue comme une atrocité, parce-qu’il faut être heureux et épanouis dans le monde-monde. Ici, le surgissement d’une vérité ou d’une quelconque singularité est banni, tout comme, dans un même mouvement, une joie qui serait authentique.

Quel visage peut-on montrer alors, quel aspect neutre de notre personnalité atomisée.

Le super-héros consent, c’est sa survie, même si son consentement prend le masque du refus.

La foire du mensonge s’annonce rentable, tout se vend dirait-on, et mes pieds saignent, mon ami, mon amant, et mon âme saigne aussi.

La foire est une foire d’empoigne, d’où surgissent les monstres d’antan.

As-tu vu, mon ami, mon amant, la lame de fond écorcher ce qu’il nous reste d’espoir, de sensibilité, de fragilité ?

Nous sommes le centre du spectacle, et nous jouons tant bien que mal un rôle ou un autre, car tout change ici, tout se perd ou se gagne, dans une mécanique glaçante et une occupation du temps qui touche à l’hystérie.

Sois léger et tais-toi, ainsi les héros du jour opèrent.

Légers comme une image, légers comme un parfum.
Légers comme une image, légers comme le vide, légers comme le rien, légers et allégés.

De cette légèreté sans colonne vertébrale et de cet envol sans ailes, la dispersion se fait norme, se fait règne, la séparation et le déni poussent les uns et les autres dans un labyrinthe de renoncements.

Ainsi nous évoluons, automates dévoués, vers l’impossibilité de notre complétude, dans des formes de vies épuisées, abîmées, souillées.

Photo de Sebastiaan Stam