Étiquette : société du spectacle
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L’obsolescence de l’homme, de Günther Anders, scandaleusement « ignorée » en France pendant plus de 50 ans, demeure en 2024 une œuvre encore largement méconnue, sans que l’on puisse savoir s’il s’agit d’un silence intéressé ou de l’un des effets de l’ablation universelle de l’attention, dont ce texte nous livre l’accablant diagnostic.
Anders mène une enquête sur l’état de l’humanité face aux forces proprement impensables qu’elle a déchaînées. L’hubris technologique a produit la bombe atomique, dont l’auteur note que les conséquences, littéralement, dépassent l’entendement.
Mais ce qu’il nous décrit est pire : à savoir que cette démesure industriellement suréquipée est elle-même une nouvelle sorte de bombe, et même la bombe ultime, capable d’exploser l’humanité tout en conservant ses apparences :
« L’effacement, l’abaissement de l’homme en tant qu’homme réussissent d’autant mieux qu’ils continuent à garantir en apparence la liberté de la personne et les droits de l’individu. Chacun subit séparément le procédé du « conditioning », qui fonctionne tout aussi bien dans les cages où sont désormais confinés les individus, malgré leur solitude, malgré leurs millions de solitudes. Puisque ce traitement se fait passer pour « fun » ; puisqu’il dissimule à sa victime le sacrifice qu’il exige d’elle ; puisqu’il lui laisse l’illusion d’une vie privée ou tout au moins d’un espace privé, il agit avec une totale discrétion. »
Lancé « à la recherche de la vie perdue », cet essai en rencontre l’expression achevée sous la forme du « dividu », soit l’individu en morceaux, auto-divisé et autoentrepreneur de sa propre dispersion : « l’homme d’aujourd’hui, [qui] est lui aussi un produit (dans la mesure où il est au moins le produit de sa propre production, une production qui l’altère totalement et imprime en lui, en tant que consommateur, l’image du monde produit industriellement et la vision du monde qui lui correspond). »
L’auteur pourra encore noter que « aujourd’hui, une âme coupée en deux est un phénomène quotidien. C’est même le trait le plus caractéristique de l’homme contemporain, tout au moins dans ses loisirs, que son penchant à se livrer à deux ou plusieurs occupations disparates en même temps (…). L’homme qui prend un bain de soleil, par exemple, fait bronzer son dos pendant que ses yeux parcourent un magazine, que ses oreilles suivent un match et que ses mâchoires mastiquent un chewing-gum. Cette figure d’homme-orchestre passif et de paresseux hyperactif est un phénomène quotidien et international » (le « magazine » a été depuis avantageusement remplacé par le Smartphone).
Si, en 1967, Debord a exposé, sous une forme hégélienne-marxienne, les mécanismes de la société du spectacle, Anders l’avait déjà soumise, 11 ans plus tôt (ce que Debord semble avoir eu du mal à admettre), à une implacable enquête phénoménologique.
C’était bien déjà cette passivité propre au spectateur que décrivait Anders : « Maintenant, ils sont assis à des millions d’exemplaires, séparés mais pourtant identiques, enfermés dans leurs cages tels des ermites – non pas pour fuir le monde, mais plutôt pour ne jamais, jamais manquer la moindre bribe du monde en effigie. »
Et parmi ces effigies, trônent nécessairement les vedettes, dont Debord notera que c’est le besoin qu’on a d’elles, la misère de ce besoin, qui les fait vedettes, ce qu’Anders exprime tout aussi rigoureusement :
« Il est on ne peut plus logique que ceux d’entre nous qui réussissent de la façon la plus spectaculaire à avoir de multiples existences (et à être vus par plus de gens que nous, le commun des mortels), c’est-à-dire les stars de cinéma, soient des modèles que nous envions. La couronne que nous leur tressons célèbre leur entrée victorieuse dans la sphère des produits de série que nous reconnaissons comme « ontologiquement supérieurs ». C’est parce qu’ils réalisent triomphalement notre rêve d’être pareils aux choses, c’est parce qu’ils sont des parvenus qui ont réussi à s’intégrer au monde des produits, que nous en faisons des divinités. »
L’auteur poursuit en décrivant précisément cette intégration :
« Il n’y a plus aucune différence ontologique essentielle entre la star de cinéma disséminée dans les milliers de copies de ses films et le vernis à ongles réparti pour être vendu dans des milliers de flacons.
Il est on ne peut plus logique que, dans la réclame, la star et la marchandise de masse se soutiennent mutuellement (la star en recommandant la marchandise, la marchandise en accueillant des images de la star sur son emballage) et s’allient : « Qui se ressemble s’assemble. »
Ce qui est vrai des marchandises, des vedettes, des marchandises vedettes et des vedettes-marchandises l’est aussi, comme par ruissellement dirait-on aujourd’hui, des citoyens des cités d’illusion (« quand le fantôme devient réel, c’est le réel qui devient fantomatique »), et de la même façon, qui les rend pareillement étrangers : « C’est seulement par mégarde qu’ils peuvent encore se voir, se regarder ; c’est seulement par hasard qu’ils peuvent encore se parler (à condition qu’ils le veuillent ou le puissent encore). Ils ne sont plus ensemble mais côte à côte ou, plus exactement, juxtaposés les uns aux autres. Ils sont de simples spectateurs. »
Mais spectateurs de quoi ? De n’importe quoi à portée de nos doigts fébriles ou frénétiques, qui puisse nous divertir – au sens pascalien – de nos vies fantomatiques ; de ces milliards d’existences occupées – au sens militaire – à produire et consommer des fantômes (« nous devenons des voyeurs exerçant leur domination sur un monde fantôme »), c’est-à-dire des mensonges en veux-tu en voilà ; alimentaires, diététiques, médiatiques, politiques, électriques, névrotiques toujours : « il est inutile d’arranger après coup de fausses visions du monde, des visions qui diffèrent du monde, des idéologies, puisque le cours du monde lui-même est déjà un spectacle arrangé. Mentir devient superflu quand le mensonge est devenu vrai. »
Debord aurait pu écrire : « quand le monde n’a d’importance sociale que sous forme de reproduction, c’est-à-dire en tant qu’image, la différence entre être et paraître, entre réalité et image, est abolie. Quand l’événement sous forme de reproduction prend socialement le pas sur sa forme originale, l’original doit alors se conformer aux exigences de la reproduction et l’événement devenir la simple matrice de sa reproduction », et cela encore Anders l’avait déjà noté.
De même, il n’y a maintenant plus qu’un seul mot à changer pour qu’il ait également noté que « rien ne nous aliène à nous-mêmes et ne nous aliène le monde plus désastreusement que de passer notre vie, désormais presque constamment, en compagnie de ces êtres faussement intimes, de ces esclaves fantômes que nous faisons entrer dans notre salon d’une main engourdie par le sommeil – car l’alternance du sommeil et de la veille a cédé la place à l’alternance du sommeil et de l’internet (…). Rien ne rend l’auto-aliénation plus définitive que de continuer la journée sous l’égide de ces apparences d’amis : car ensuite, même si l’occasion se présente d’entrer en relation avec des personnes véritables, nous préférerons rester en compagnie de nos portable chums, nos copains portatifs, puisque nous ne les ressentons plus comme des ersatz d’hommes mais comme nos véritables amis », et souvent même nos coachs aussi, puisqu’il « est presque inutile de rappeler que d’innombrables girls réelles se sont donné l’apparence d’images de cinéma et courent çà et là comme des reproductions de reproductions, parce que si elles se contentaient d’être elles-mêmes, elles ne pourraient pas rivaliser avec le sex-appeal des fantômes et seraient, de la manière la moins fantomatique qui soit, reléguées dans l’ombre, c’est-à-dire ramenées dans la dure réalité. »
La dure réalité, c’est d’en éprouver les ruines, le gris, les débris, le vide et l’ennui. C’est de se faire une sensibilité pour de vrai, ce contre quoi ce monde ne tiendrait pas une heure de plus, si elle se généralisait. La représentation, sous ses dehors hypnotiques, est avant tout une anesthésie planétaire.
Comme le remarque encore Anders : « Qui a déjà eu l’occasion de regarder une course automobile qui, sur l’écran de télévision, a l’air d’une course de modèles réduits a pu constater ensuite, incrédule, que l’accident mortel auquel il a alors assisté ne l’a, en réalité, guère affecté. Certes, on sait bien que ce à quoi l’on vient d’assister vient réellement d’arriver au moment même où on l’a vu sur l’écran de télévision ; mais on le sait seulement. »
Pour une humanité ainsi éduquée, il devait fatalement devenir tout aussi vrai que l’écran deviendrait total ; qu’il recouvrirait inexorablement toute la réalité, de sorte que « ce n’est pas la véritable place Saint-Marc, celle qui se trouve à Venise, qui est « réelle » pour [les touristes] mais celle qui se trouve dans leur album de photos à Wuppertal, Sheffield ou Detroit. Ce qui revient à dire que ce qui compte pour eux n’est pas d’y être mais d’y être allé. » Il est donc ici aisé de conclure que « l’intention de la livraison d’images, de la livraison de l’image totale du monde », était bien dès le début des temps spectaculaires, « de recouvrir le réel à l’aide du prétendu réel lui-même et donc d’amener le monde à disparaître derrière son image. »
Une première version de ce texte a été publiée en 2023 sur le site Contrelittérature. Celle-ci est une reprise légèrement modifiée.
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There are lots of knots and we need to find the end of the string. From there, we can patiently untangle the whole. This end is the development of individual consciousness, its emancipation, its elevation, its autonomy, its freedom; the joys that result, the solutions it foresees, their creative and evolutionary sharing. This is the cornerstone, the rock on which everything else is built.
Yet the entire system of planetary domination, whether it’s the stultification of alienated, forced labor or the consumerist stupidity that is its counterpart, is designed to deprive individuals of this emancipated conscious development.
Instead, these individuals are « invited » to take their place as cogs in the system, not just superficially, but in ever-greater mimetic dependence. The aim: to calculate one’s existence, to think in algorithms, to make oneself indispensable to the artificial.
Hence the human-shaped shop windows that stroll along what’s left of the sidewalks, and the omnipresent background sounds of walking cash drawers.
The society of the spectacle no longer looks much like a society, while the spectacle turns into a tragic comedy.
It’s in the midst of this battlefield, mined on all sides and in a thousand ways, that we have to decide how to get out of it, which is all the more difficult given that, at first glance, there’s nowhere else to go.
Except the emancipated space of emancipatory consciousness. The end of the ball.
It is from here, and only here, that humanity can glimpse not a rebirth, but rather, its true birth.
Only then is it useful, legitimate and possible to progressively redesign – at the pace of the emancipated evolution of emancipated consciousnesses – the relationships that humanity can maintain or allow to wither or abolish with technology, with knowledge, with tools, instruments, machines, with the hands, with the heart, with inspirations, intuitions, the sense of what is true, good, beautiful, just, with the taste for life, the flowering and harvesting of its joys, the overcoming of its sorrows and the horizons of its destiny, among others.
Only from there, and not from ideologies, systems (even anti-system ones), postulates, dogmas, still less from impositions, decrees or ready-made solutions.
Nor from democracy, however small-scale and direct. A democracy of morons or barbarians or of moronic barbarians, or of mimetic or sclerotic, sectarianized individuals, will produce micro-barbaries, or sects, and so on. Representative democracy, which is certainly a sham, is not the cause of the passivity of the masses, but it is the passivity of individual consciences agglutinated in masses that makes it possible.
As long as these individual consciences remain passive, they will agglutinate in masses, even if they are small masses: 20, 100, 500 zombies gathered in a direct democracy will give nothing more than a more direct – and certainly democratic – access to zombitude.
At the moment, we can’t really decide whether to use a part of democracy, a part of representativeness, a part of industry, a part of machines, why or how. All this, and everything else, depends on the relationship that each and every one of us, in fairly significant numbers, will have with ourselves, with our thoughts, our desires, our hearts, our hands, our loved ones, our distant ones, non-humans (if that makes any sense), the earth, our perception of it, the way we care for it, help it, participate in it, take what is necessary from it, and so on.
We can only reasonably envisage that it will take time, debunkings, reconversions, abolitions, alchemies, evolutions, bifurcations, against a backdrop of communicative wisdom – which is the emancipatory development of individual consciences becoming emancipated.
Il y a un grand nombre de nœuds et il nous faut trouver le bout de la ficelle. De là, nous pourrons patiemment démêler le tout. Ce bout, c’est le développement de la conscience individuelle, son émancipation, son élévation, son autonomie, sa liberté ; les joies qui en résultent, les solutions qu’elle entrevoie, leur partage créatif et évolutif. C’est la pierre angulaire, le roc sur lequel édifier tout le reste.
Or l’ensemble du système de domination planétaire, qu’il s’agisse de l’abrutissement du travail aliéné et contraint ou de l’abêtissement consumériste qui en est le pendant, est fait pour priver les individus de ce développement conscient émancipé.
A la place, ces individus sont « invités » à prendre place en tant que rouages de ce système, non pas seulement superficiellement, mais dans une dépendance mimétique toujours plus forte. : calculer son existence, penser par algorithmes, se rendre indispensable à l’artificiel.
D’où ces vitrines à forme humaine qui déambulent sur ce qui reste de trottoirs, ce fond sonore omniprésent de tiroirs-caisses ambulants.
La société du spectacle ne ressemble plus trop à une société, tandis que le spectacle tourne à la comédie tragique.
C’est au milieu de ce champ de bataille miné de toutes parts et de mille façons qu’il faudrait décider de comment en sortir, ce qui est d’autant moins évident qu’il n’y a de prime abord aucun ailleurs où sortir.
Sauf l’espace émancipé de la conscience émancipatrice. Le bout de la pelote.
C’est à partir de là et seulement de là que l’humanité peut entrevoir non pas une renaissance mais mieux, sa véritable naissance.
C’est seulement à partir de là qu’il est utile, légitime, possible de redessiner progressivement – au rythme de l’évolution émancipée des consciences émancipées – les relations que l’humanité peut entretenir ou laisser dépérir ou abolir avec la technique, avec le savoir, avec les outils, les instruments, les machines, avec les mains, avec le cœur, avec les inspirations, les intuitions, le sens du vrai, du bien, du beau, du juste, avec le goût de vivre, la floraison et la moisson de ses joies, le dépassement de ses peines et les horizons de sa destinée, entre autres.
A partir de là seulement, et non pas à partir d’idéologies, de systèmes (fussent-ils antisystèmes), de postulats, de dogmes, encore moins d’impositions, de décrets, de solutions toutes faites.
Pas plus à partir de la démocratie, fut-elle directe et à échelle réduite. Une démocratie d’abrutis ou de barbares ou de barbares abrutis, ou d’individus mimétiques ou sclérosés, sectarisés, produira de micro-barbaries, ou des sectes, etc. La démocratie représentative, qui est certes une imposture, n’est pas la cause de la passivité des masses, mais c’est la passivité des consciences individuelles agglutinées en masses qui la rend possible.
Tant que ces consciences individuelles resteront passives, elles s’agglutineront en masse, fussent-elles de petites masses : 20, 100, 500 zombies rassemblés en démocratie directe ne donneront rien d’autre qu’un accès plus direct – et démocratique certes – à la zombitude.
Nous ne pouvons actuellement véritablement décider si, ponctuellement, une part de démocratie pourrait être utilisée, voire ponctuellement une part de représentativité, une part d’industrie, une part de machines, pourquoi, comment. Tout cela, et tout le reste, est suspendu à la relation que chacune et chacun, en nombre assez significatif, entretiendra avec soi-même, avec ses pensées, ses désirs, son cœur, ses mains, ses proches, ses lointains, les non-humains (si cela garde un sens), la terre, la perception qu’on en a, la façon de l’entretenir, de l’aider, d’y participer, d’en prélever ce qui est nécessaire, etc.
Nous pouvons seulement envisager raisonnablement qu’il faudra du temps, des déboulonnages, des reconversions, des abolitions, des alchimies, des évolutions, des bifurcations, sur fond de sagesse communicative – ce qui relève du développement émancipateur des consciences individuelles s’émancipant.
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L’expert est à la fois l’argument de l’autorité et l’autorité devenue argument.
Sa compétence indéniable, pour laquelle son public l’honore, consiste à savoir falsifier n’importe quel sujet, soit très grossièrement, pour en dissuader toute envie de connaissance autonome, soit sur des détails, choisis pour l’ombre qu’ils feront à la vérité d’ensemble.
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La notion « d’extrême centre » est réapparue sur la scène médiatique, le 18 avril 2022 sur « France Culture », lorsqu’Emmanuel Macron, candidat à un nouveau mandat présidentiel, a ainsi désigné son projet politique.
Le but était clairement de se positionner par rapport à ses adversaires en lice en revendiquant et en assumant d’un même élan une place centrale sur l’échiquier politique avec un triple objectif : unir les courants idéologiques en rassemblant les volontés soumises des partis de droite et de gauche modérés dans un vaste programme d’union nationale, rejeter les oppositions politiques dans les marges du spectre électoral vers les affres de l’extrémisme hyperbolisé, donner une assise conceptuelle pragmatique, une consistance politico-médiatique, aux antipodes des idéologies extrémistes, à un mouvement jusqu’alors nébuleux et coupé des besoins réels du pays.
Ce faisant, le président Macron, en connaissance de cause ou par un sens aiguisé de la survie politique, s’inscrivait dans une tradition politique bien française, née avec la Révolution et l’apparition de ceux qu’on appelait à l’époque « les girouettes » et dont l’historien Pierre Serna, inventeur de l’expression « extrême-centre », a retracé la généalogie dans son livre L’extrême centre ou le poison français : 1789-2019, Champ Vallon, 2019.
Or, quelle est cette tradition politique française dont Emmanuel Macron est le parfait représentant ? Quelles en sont les caractéristiques ?
Tout d’abord l’extrême centre est un mouvement de réaction aux troubles civils et aux périodes de crise en général. Il apparaît en France dans le sillage des guerres de religion, de la Fronde ou du discrédit de la monarchie à la suite de la guerre de Sept Ans.
Les soubresauts de la Révolution – du Gouvernement révolutionnaire à la Restauration en passant par le Directoire et l’Empire – voient également l’émergence de ce type de régime modérantiste qui apparaît comme la planche de salut face au chaos social et politique.
D’autre part, la notion d’extrême centre est un oxymore, le rapprochement de deux termes absolument contradictoires qui constitue le pendant théorique de la politique dite pragmatique du « en même temps » macroniste.
De quoi cette notion est-elle le nom ?
Si l’extrémisme désigne en politique l’excès, la démesure, la passion délirante et donc le désordre, le centre a contrario serait l’incarnation de la modération, du juste milieu, de la raison donc de la mesure et de la norme pour ne pas dire de la normalité ; bref de l’ordre.
Par cette auto proclamation, Macron, d’un même geste, disqualifie par avance toute opposition politique désormais considérée comme pathologique, dangereuse, extrémiste et irresponsable, tout en incarnant un juste milieu rassurant, le camp des modérés, de la raison, le gouvernement des experts et techniciens de la politique, neutres et désintéressés, dépourvus de toute idéologie et de toute passion.
Le centre en se posant en nouvel absolu dépassant les clivages partisans devient le dernier rempart face au chaos, une force d’équilibre indépassable et rassurante s’inscrivant dans une continuité historique et une tradition.
Ainsi les élections législatives de 2022 ont laissé apparaître la fracture tripartite du spectacle politique français, écartelé entre d’un côté une gauche et une droite extrêmes et de l’autre une majorité gouvernementale dite modérée.
Cependant comment concilier la néo-philosophie du changement, du mouvement, de la « révolution en marche » pour reprendre le titre programmatique du candidat Macron en 2017, tout en se revendiquant d’un extrême centre synonyme de consensus, de compromis, de statu quo et par suite d’immobilisme politique?
La phrase du Prince de Salina incarné par Burt Lancaster dans le film de Visconti Le Guépard, face à la tourmente de l’histoire en marche en plein Risorgimento italien nous suggère une piste : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».
L’obsession de la réforme, du mouvement, de la marche, du changement, de la révolution disruptive des manières, du langage, des mœurs, de la politique, de l’économie ne serait que le voile illusoire dissimulant, derrière l’agitation de surface, la volonté de ne rien changer, de maintenir le statu quo au profit des intérêts d’une classe dominante, d’une élite.
Dès lors l’extrême centre peut s’entendre non comme le parti du « juste milieu » mais comme celui obéissant à la loi mafieuse du milieu (« La Mafia vient partout au mieux sur le sol de la société moderne. Elle est en croissance aussi rapide que les autres produits du travail par lequel la société du spectaculaire intégré façonne son monde. », Commentaires sur la société du spectacle, Guy Debord) pour sauvegarder ses intérêts de classe, une idéologie, avançant masquée derrière les atours de la raison et de la technocratie dans le seul but dissimulé de museler et même dissuader tout discours contestataire, a fortiori, d’adopter une posture autoritaire au nom de la normalité, de la modération et de la raison dans un scénario politique fragmenté, où la moitié du corps électoral s’abstient désormais de voter, dévoilant ainsi les prémisses, déjà observées de longue date, d’une crise pour le coup radicale de la représentativité démocratique et par conséquent de la légitimité politique qui en découle.
Au cœur de cette défiance populaire à l’égard des élites gouvernantes, s’élargit le fossé toujours plus important entre la légalité et la légitimité, se soldant inévitablement par une domination toujours plus grande exercée par le pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif devenu, au détriment de sa fonction représentative prétendue de l’intérêt commun, la simple chambre d’enregistrement d’une minorité.
On reconnaît l’arbre à ses fruits. Or quels sont-ils ?
On l’a vu, la pente naturelle de l’extrême centre est celle d’une politique modérantiste c’est-à-dire modérée car se proclamant rationnelle et raisonnable, se voulant objective, factuelle mais reposant en réalité sur les seuls principes du libéralisme économique envisagé comme l’alpha et l’oméga de l’existence humaine et de l’organisation sociale – mais paradoxalement menée d’une main de fer par un exécutif autoritaire reposant sur quelques constantes identifiables que nous allons rapidement énumérer.
Tout d’abord l’existence d’une « philosophie » de vie, « le girouettisme », justifiant le ralliement obscène de personnalités de tous bords, spécialisées dans le retournement de veste de haut vol (dans tous les sens du terme).
D’autre part une élite de fonctionnaires, de technocrates, de notables et de politiciens qui constituent l’appareil d’état inamovible, l’état profond du pays, insensible aux bourrasques de l’Histoire, assurant ainsi la transition entre les régimes successifs et garantissant la sauvegarde des intérêts d’une oligarchie.
La bureaucratie et l’administration se substituent alors au politique et le règne de l’expert occulte (« le centre directeur est maintenant devenu occulte », Commentaires sur la société du spectacle, Debord, déjà cités), du manager en quête d’efficacité et de rendement, derrière une apparente neutralité factuelle, masque l’idéologie économique sous-jacente.
Un discours de la modération, de l’ordre, de l’intérêt général, qui donc et en résumé assimile toute opposition à un extrémisme, une déviance ou une pathologie pour la criminaliser au nom du monopole de la vérité politique, économique, historique, médicale…
Ce dernier s’accompagne d’ailleurs d’un contrôle du langage et de la pensée par la langue de bois devenue éléments de langage, le politiquement et le culturellement correct à travers des médias, garants de la parole publique, détenus par quelques milliardaires aux ordres du discours officiel, qu’ils soutiennent et dont ils profitent des largesses.
Un contrôle social des corps, de l’espace et du temps au moyen des technologies du moment ou des procédures institutionnelles (état d’urgence ou d’exception permanent, QR codes, confinements, monnaies numériques…), couplé à une répression policière féroce, violente et disproportionnée contre les contestations sociales et politiques, que l’on justifie par la fabrique d’un ennemi intérieur (le non vacciné hier, l’étranger aujourd’hui et demain) ou extérieur (le terroriste, la Russie, etc…).
Enfin la suprématie du pouvoir exécutif (le gouvernement et l’administration, préfectorale notamment) sur le législatif.
En effet le recours permanent à des « conseils de défense », des « conseils scientifiques », des « conventions citoyennes » et en général aux cabinets de conseils occultes en marge de la vie parlementaire signe véritablement l’opacité de la prise de décision et entérine la rupture entre ladite représentation nationale et ledit peuple.
Certes des lois sont votées mais elles apparaissent de plus en plus dictées par les intérêts privés d’une caste aux ordres de puissants lobbies économiques et financiers plutôt que par ceux de la population.
On notera d’ailleurs que le conflit d’intérêt devient la norme et non l’exception du fait de la porosité entre les sphères de la haute fonction publique et de l’État en général et le secteur privé, où d’anciens fonctionnaires ou politiques occupent des postes clés en échange de leurs réseaux et de leurs carnets d’adresses.
Le recours aux ordonnances pour gouverner, comme lors de la crise covid, les limitations des débats parlementaires par des subterfuges techniques permettant le passage en force des lois au moyen de l’article 49.3 et autres tours d’illusionnisme, comme lors de la « réforme des retraites », passée publiquement en contrebande dans la loi de finance annuelle, alors qu’il s’agit d’une réforme structurelle, le mépris et le dénigrement des corps intermédiaires et de la démocratie sociale, dont on décourage par une répression violente les manifestations publiques, la suppression du recrutement du corps diplomatique par voie de concours au profit de nominations issues du seul fait du prince, etc. ; tout cela est le symptôme à la fois d’une dérive d’un pouvoir drogué à sa propre démesure, grisé et fasciné par l’illusion de sa puissance et, d’autre part, d’une logique de caste dont les décisions, coupées de l’intérêt général du pays réel, ne sont que le reflet des intérêts d’une nouvelle féodalité méprisant une classe de roturiers de plus en plus considérés, de façon décomplexée, moins comme des citoyens que comme des sujets.
L’intérêt de cette notion d’extrême centre est au fond de mettre, certes, en perspective le macronisme au regard du passé, pour en saisir les constantes derrière les aléas de l’Histoire mais aussi, en l’élargissant au monde libéral en général, de comprendre la trame invisible qui traverse celui-ci.
La mondialisation, favorisée par la révolution informatique ayant permis la maîtrise de l’espace-temps et donc conféré le don d’ubiquité aux élites, l’émergence de ladite « intelligence artificielle » ainsi que les recherches médicales laissant aux plus fortunés l’espérance d’une domestication de la mort, enfin l’espoir fou de découvrir de nouvelles sources d’énergies inépuisables, tout cela a conféré aux oligarques une puissance inégalée dans l’histoire, au point de leur donner un sentiment ultime de surpuissance dont les conséquences sont à présent tangibles.
En effet, la puissance, entendue comme la soumission de la réalité à la volonté, donne l’illusion, du fait de la maîtrise technologique rendue possible par l’extrême richesse de quelques-uns dans un monde devenu périphérique, que tout désir non naturel est réalisable.
Nous assistons donc à la naissance d’une caste de demi-dieux, qui, emportés par l’ivresse technologique que leur octroient leurs fortunes colossales, peuvent envisager de distinguer, au sein de la société, les êtres essentiels de ceux non essentiels – pour se passer d’une partie de l’humanité désormais superflue et coûteuse.
Désormais le peuple est et sera de trop, d’abord par morceaux, puis en vrac, puis en totalité. Les volontaires de la servitude ne chanteront donc plus très longtemps les louanges de leur veulerie.
Que l’on songe par exemple, au lendemain de la seconde guerre mondiale, au détournement des résultats des élections au profit de la démocratie chrétienne en Italie ou à l’éviction brutale de Silvio Berlusconi régulièrement élu et remplacé par ce qu’on nomma un gouvernement technique, c’est à dire non élu, dirigé par un ancien banquier d’affaire, Mario Monti, ou au dernier gouvernement technique en place sous la houlette de Mario Draghi, autre banquier d’affaire ; que l’on songe au détournement des résultats du référendum français de 2005, sur l’établissement d’une constitution européenne, par le vote en 2008, par les parlementaires français, du traité de Lisbonne qui entérine la constitution européenne; que l’on songe au renoncement des gouvernements européens, en général, à tout référendum, par méfiance viscérale envers les peuples qu’elle préfère gouverner par circulaires sans jamais en retour rendre de compte ; que l’on songe à Tsipras en Grèce soumis au diktat européen contre la volonté des Grecs qui l’avaient porté au pouvoir; que l’on songe à la répression des « gilets jaunes », que l’on songe aux tirs à balles réelles aux Pays bas pour réprimer les contestations sociales des agriculteurs ; que l’on songe à la gouvernance de la commission européenne aux accents de plus en plus autoritaires, pesant de tout son poids sur la politique de santé des états membres durant la crise covid, tant au niveau des mesures préconisées que de l’opacité entourant par exemple les contrats avec les grands groupes pharmaceutiques, gouvernance à présent érigée en modèle par l’OMS, prémisse d’un biopouvoir assurant son emprise sur les corps ; que l’on songe à la politique étrangère de la commission européenne, qui, se substituant aux états, engage les nations européennes, dans le cadre du conflit ukrainien, dans un bras de fer avec la Russie, et ce, sans le consentement des peuples, ni aucun mandat de leur part, au risque de mettre le doigt dans un engrenage fatal, tant au niveau économique que militaire ; songeons enfin, au moment où les peuples, peu à peu, prennent conscience de l’accélération d’un agenda visant à les museler définitivement et de la lente mais sûre orwellisation du continent européen, songeons enfin, à la mise en place d’un euro et d’une identité numériques dont la fonction sera de tracer les modes de vie et comportements individuels (en plus d’être l’occasion d’un commerce juteux des données numériques auprès des acteurs économiques) mais surtout de sanctionner tout dissident en bloquant le compte bancaire de toute personne s’écartant de la norme instituée : surconsommation de carbone, d’eau, d’énergie, rationnements en tout genre, idées politiques déviantes, injonctions sanitaires.
A ce titre, les grèves des routiers contre la vaccination obligatoire au Canada, dont les acteurs ont vu leurs comptes bancaires bloqués et leur outil de travail confisqué, ont été le laboratoire expérimental de cet extrême centre qui s’emploie à la rééducation économique permanente des peuples.
La prison numérique qui se profile sera le pendant abstrait des camps d’internement mis en place en Australie pour les non vaccinés durant la crise covid.
L’idéologie panoptique (voir sans être vu), idéologie de surveillance totale de l’individu, physique, psychique et langagière, a trouvé les moyens techniques de sa mise en œuvre effective au nom d’un état qui nous veut du bien et qui, pour ce dessein impérieux, prépare la dissolution des dissidents.
L’extrême centre, dont le président Macron est le chantre, peu à peu, prépare le terrain, en France, comme en Europe et plus largement en Occident comme en Orient, à l’avènement d’un fascisme en col blanc, à présent ouvertement assumé et décomplexé, technocratique, où la contrainte sera la norme et la liberté l’exception, un régime fondé sur des appareils juridiques, policiers et médiatiques aux ordres du marché néo libéral et de ses sbires idéologiques, un fascisme, bizarrerie de l’Histoire, sans le peuple, désormais dissous, invisibilisé, sorti des statistiques puisque dans un tel régime, un simple voyant rouge suffira à bloquer un compte pour tenir en laisse et museler tout opposant ou le transformer en un paria social.
Au temps de Franco, comme en Chine aujourd’hui, quiconque n’avait pas sa carte du parti, ne pouvait accéder aux biens de première nécessité ni à aucune activité sociale. L’extrême centre est bel et bien un fascisme qui instaurera, comme mode de gouvernement, la mort sociale des opposants au système, traités désormais comme des déviants à rééduquer. Le saut technologique de la carte d’identité en papier au QR code aura initié ce saut qualitatif vers l’effacement de toute voix discordante.
Le glacis du spectaculaire intégré s’apprête à recouvrir le monde dans la passivité et l’indifférence générales. Ses caractéristiques selon Guy Debord : l’obsession technologique, la soumission totale du politique à l’économique, la fusion du vrai et du faux, l’incitation à vivre dans un présent perpétuel, sans mémoire ni mise en perspective historique, enfin la fascination pour le secret et sa mise en scène : « Le centre directeur est maintenant devenu occulte (…) Le spectacle s’est mélangé à toute réalité, en l’irradiant », Commentaires sur la société du spectacle, déjà cités).
On se posera la question suivante : si l’Europe n’a certes pas inventé la tyrannie et le despotisme, plaies communes et également réparties sur le globe tout au long de l’histoire, comment se fait-il qu’en son sein, soient nés les totalitarismes de toute obédience, de droite, de gauche, du transhumanisme en marche ou de la nouvelle idéologie du Greenwashing (les cimetières du vivant repeints en vert par le capitalisme bon teint) ? Il semble que l’extrême centre soit une synthèse de ces idéologies extrêmes pour lesquelles l’homme et le peuple semblent être toujours de trop.
Car en effet, de quoi l’extrême centre est-il le nom sinon d’un miroir aux alouettes, d’un théâtre d’ombres chinoises masquant l’idéologie autoritaire d’une oligarchie prête à tout pour sauvegarder sa position dominante et ses intérêts. Une nouvelle féodalité impensée émerge sous nos yeux, dont le dieu est l’argent, avec ses gueux et ses serfs, sans chevaliers, ni panache mais avec ses seigneurs, leurs lois et leurs cours d’hommes en gris.
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La question de la valeur doit être repensée sur des bases élargies. L’approche marxiste ou marxisante présente systématiquement le défaut radical d’aborder la valeur sous le seul angle économique, ce qui est lui accorder beaucoup trop de… valeur.
Ce faisant, elle court le risque de s’épuiser en interminables disputes avec la pensée économique dominante qui, quelles que soient ses variantes, reste évidemment de la pensée économique ; l’économie comme pensée dominante, comme domination de la pensée par l’économie et donc comme économie de la pensée.
Remède à tout apporte enfin la réponse radicale à cette ténébreuse affaire.End of value.
The question of value needs to be rethought on a broader basis. The Marxist or Marxizing approach systematically presents the radical flaw of approaching value solely from an economic angle, which means giving it far too much… value.
In so doing, it runs the risk of exhausting itself in endless disputes with dominant economic thought, which, whatever its variants, obviously remains economic thought; economics as dominant thought, as the domination of thought by economics, and therefore as the economics of thought.Remède à tout finally provides the radical answer to this murky affair.
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« Une si longue histoire de la dépossession, dont l’aliénation est sortie victorieuse…
Les ressorts de la domination ont été mis à jour, ceux de la servitude volontaire aussi.
On peut y trouver des raisons ou un non sens, ou les raisons d’un non sens, selon l’angle de vue, toujours partiel, et généralement concurrentiel.
Ou tout cela à la fois, qui ne change rien au constat : l’humain est en très sale état, bien pire encore que la planète malade ; et le pire est qu’il n’en est au mieux que faussement conscient ; cette fausseté faisant partie du mal qui les ronge uniment.
A ce mal si profond et venant de si loin, largement documenté mais sous anesthésie générale, quand ce n’est pas sous hypnose, et toujours à travers les barreaux des spécialisations, et de leurs séparations, de leurs clôtures, de leurs champs de mines, de leurs intérêts, etc., il est bien vain d’opposer, dans l’heure qui nous presse, quelque chose d’autre que la lucidité ; quelque chose comme par exemple un espoir prochain, un système philosophique, le fantôme de la théorie, des miettes d’actes et souvent des actes en miettes.
Ce n’est pas pour demain.
Nous n’en concluons pas du tout que le désespoir ait raison (quoiqu’il ait ses raisons), ni qu’il faille se retrancher (au sens vraisemblable d’une amputation), et d’ailleurs où et comment ? C’est juste un effort apaisé pour être juste, porter son regard plus loin ; ce lointain qui est tout proche dans les prairies où poussent les fleurs de la conscience, nous ne pouvons l’exprimer plus justement.
Oui, respirer par ailleurs.
Nous ne disons enfin pas non plus qu’il soit inutile, absurde ou vain d’entreprendre d’être chaque jour plus humain (plus juste, plus digne, plus noble, plus généreux, plus sensible, plus attentif, plus radical, etc.) : c’est au contraire, s’il en reste un (et il n’en reste qu’un), le seul espoir, et même la seule magie, le puits infini où se puise la vie, qu’il s’agit déjà et qu’il s’agira plus et plus de rendre toujours plus accessible, dans le seul effort d’être soi.
Soyons patients de toute notre impatience, jouissons de nos temps morts et transmutons nos entraves.
Nous ne sortirons de la nuit qu’en devenant le jour. »
Anonyme.
Voici reprendre son empire, l’antique Désordre originel.
Hölderlin
By becoming the day.
“Such a long history of dispossession, from which alienation emerged victorious…
The sources of domination have been exposed, as have those of voluntary servitude.
We can find reasons or nonsense, or reasons for nonsense, depending on the angle of view, always partial, and generally competitive.
Or all of this at the same time, which does not change the facts: humans are in a very bad state, much worse than the sick planet; and the worst is that he is at best only falsely aware of it; this falsity being part of the evil which gnaws away at them.
To this evil so deep and coming from so far away, widely documented but under general anesthesia, when not under hypnosis, and always through the bars of specializations, and their separations, their fences, their minefields , their interests, etc., it is quite vain to oppose, in the hour that presses us, anything other than lucidity; something like for example a future hope, a philosophical system, the ghost of theory, crumbs of acts and often acts in pieces.
It’s not for tomorrow.
We do not conclude from this at all that despair is right (although it has its reasons), nor that we must retreat (in the probable sense of an amputation), and moreover where and how? It’s just a peaceful effort to be fair, to look further; this distance which is very close in the meadows where the flowers of consciousness grow, we cannot express it more precisely.
Yes, breathe elsewhere.
Finally, we are not saying that it is useless, absurd or vain to attempt to be more human every day (more just, more dignified, more noble, more generous, more sensitive, more attentive, more radical, etc. ): it is on the contrary, if there is one left (and there is only one left), the only hope, and even the only magic, the infinite well from which life is drawn, that it is already acting and that it will be more and more a matter of making it ever more accessible, in the sole effort of being oneself.
Let us be patient with all our impatience, enjoy our downtime and transmute our obstacles.
We will only emerge from night by becoming day. »
Anonymous.