Étiquette : société du spectacle
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« Greenwashing functions as an ideology, in the sense of Marx: it is not so much a deliberate lie as a structural phenomenon of inversion of reality in the common consciousness. We can also say that it is part of what Guy Debord called the « spectacle »: a staging that, while expressing the dreams of a sleeping humanity, screens the real world and the dynamics that shape it, and ends up anaesthetizing minds in the face of a deleterious mode of organization, socially and humanly. »
Excerpt from: Greenwashing. Manuel pour dépolluer le débat public, collective work directed by Aurélien Berlan, Guillaume Carbou, Laure Teulières.Moins
« Le greenwashing fonctionne comme une idéologie, au sens de Marx : ce n’est pas tant un mensonge délibéré qu’un phénomène structurel d’inversion de la réalité dans la conscience commune. On peut aussi dire qu’il relève de ce que Guy Debord nommait le « spectacle » : une mise en scène qui, tout en exprimant les rêves d’une humanité endormie, fait écran sur le monde réel et les dynamiques qui le façonnent, et finit par anesthésier les esprits face à un mode d’organisation délétère, socialement et humainement. »
Extrait de : Greenwashing. Manuel pour dépolluer le débat public, ouvrage collectif dirigé par Aurélien Berlan, Guillaume Carbou, Laure Teulières.
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80% : c’est la part que représentent les images dans le trafic internet.
Moins quantifiable est la fonction des images dans le trafic de sa propre personnalité.Voici une personne.
Voici un masque.
Elle le protège, le travaille, le rend aussi élastique que l’exigent les pressions sociales qui commandent ses comportements.Parfois le masque se fend et parfois il est juste très difficile à ajuster ; surtout au réveil.
Sinon tout va bien : on assimile comment les autres fabriquent leurs images, comment ils s’y moulent, comment ils s’y réfugient surtout, portables à la main.Et l’on fait pareil : on leur envoie des images, en veillant à leur cohérence, qui doit remplacer l’ancienne continuité qui faisait l’unité du « moi », et qu’on a appris à refouler, lorsque la production de la personne a suffisamment réussi à coloniser et mettre au travail tout l’espace intérieur.
Ce qui s’est perdu, c’est donc juste le sujet.
A la place : un objet, qui capte tout ce qu’il peut pour conserver sa place dans le renouvellement incessant des objets mis en vitrine.La vitrine, c’est l’ensemble de la société : la vitrine dans la rue, la vitrine sur les écrans, la vitrine au travail, la vitrine dans les croisements inévitables, la vitrine à domicile même.
L’idéal, c’est de se rapprocher de ces images efficacement modelées sur celles des vedettes : elles sont actives, précises, l’apparence semble imperturbable, comme gelée même quand elle bouge, surtout quand elle bouge.
L’idéal, c’est de réussir à s’insérer durablement dans la pantomime généralisée.
C’est à ce prix qu’on devient soi-même et la vitrine, et la marchandise.
Jusqu’à ne plus avoir pour règle d’existence que de faire vivre ce spectacle, qu’on endossera le plus vite possible dès le réveil : parvenir – enfin ! – à exécuter, de façon toute personnelle, « le mouvement autonome du non-vivant » (Debord).
How to produce your own image.
80%: this is the share that images represent in internet traffic.
Less quantifiable is the function of images in the traffic of one’s own personality.This is a person.
This is a mask.
She protects it, works on it, makes it as elastic as the social pressures that drive her behaviour demand.Sometimes the mask cracks and sometimes it is just very difficult to adjust; especially when you wake up.
Otherwise everything is fine: we assimilate how others make their images, how they mould themselves to them, how they take refuge in them, especially with their mobile phones in hand.And we do the same: we send them images, taking care of their coherence, which must replace the old continuity that made the unity of the « self », and that we have learned to repress, when the production of the person has sufficiently succeeded in colonizing and putting to work the whole interior space.
What has been lost is therefore just the subject.
In its place: an object, which captures everything it can to keep its place in the incessant renewal of objects put on display.The shop window is the whole of society: the shop window in the street, the shop window on the screens, the shop window at work, the shop window at the inevitable crossroads, the shop window at home itself.
The ideal is to approach these images effectively modelled on those of the stars: they are active, precise, the appearance seems imperturbable, as if frozen even when it moves, especially when it moves.
The ideal is to succeed in inserting oneself durably into the generalized pantomime.
This is the price to pay for becoming both the showcase and the merchandise.
To the point where the only rule of existence is to keep the spectacle alive, which you will take on as soon as you wake up: to succeed – at last! – to execute, in a very personal way, « the autonomous movement of the non-living » (Debord).
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En cas d’effondrement, de crise totale, ce ne sont pas les alternatives matérielles à retrouver ou réinventer qui seront le problème majeur, mais la capacité des uns et des autres à entrer dans une authenticité radicale ; à pratiquer les uns envers les autres le renoncement au pouvoir sous toutes ses formes.
Vu sous cet angle, le gigantesque complexe industriel n’est rien d’autre que la sophistication extrême et le développement abouti des moyens utilisés par la domination plurimillénaire qui s’exerce sur la nature et l’humain.
La Machine, qui est certes un problème, n’est donc pas Le problème : elle n’est que la matérialisation finale du problème.
Le problème, ce sont nos faussetés individuelles et collectives, devenues systémiques, et l’épaisseur de notre aveuglement face à nos manquements envers tout ce qui pouvait faire de nous une des plus nobles espèces.
La société du spectacle aura juste été la forme historique réalisée et la caution systémique de cet aveuglement et de ces faussetés.
Karolina Grabowska The Machine, the Spectacle and the immemorial taste for power.
In the event of a collapse, of a total crisis, it is not the material alternatives to be found or reinvented that will be the major problem, but the capacity of each and every one of us to enter into a radical authenticity; to practice the renunciation of power in all its forms towards each other.
Seen from this angle, the gigantic industrial complex is nothing more than the extreme sophistication and the successful development of the means used by the multi-millennial domination of nature and man.
The Machine, which is certainly a problem, is therefore not The Problem: it is only the final materialisation of the problem.
The problem is our individual and collective falsities, which have become systemic, and the depth of our blindness to our shortcomings with regard to everything that could make us one of the noblest species.
The society of the spectacle will have just been the historical form realised and the systemic guarantee of this blindness and these falsities. -
Incidemment, nous ne vivons pas dans une société industrielle, mais dans un mensonge industriellement équipé.
A supposer qu’on démantèle le complexe industriel, le mensonge resterait.
La naissance du mensonge se perd dans la nuit des temps ; il a commencé avec la domination-sous-prétexte-de-savoir-profiter des autres, humains et non humains.
Il a commencé comme mensonge sur le savoir.
Pour profiter des autres, il faut croire savoir être en droit de le faire, premier mensonge inaugural.
En droit de les dominer, de les exploiter, de les manipuler, de les rabaisser, de les aliéner.
La civilisation aura consisté à améliorer sans relâche les moyens intellectuels, psychologiques, physiques et matériels d’y parvenir.
Jusqu’à tout défigurer ; tout recouvrir de mensonges.Incidemment, ceux qui critiquent la société du mensonge industriellement équipé tout en reproduisant à leur échelle les pratiques de domination à l’origine de cette société ont dans la bouche le cadavre de toutes les émancipations avortées.
The society of lies.
Incidentally, we do not live in an industrial society, but in an industrially equipped lie.
If we were to dismantle the industrial complex, the lie would remain.
The birth of the lie is lost in the mists of time; it began with the domination of others, human and non-human, under the pretext of knowing how to profit.
It began as a lie about knowledge.
In order to take advantage of others, you have to believe that you know you have the right to do it, the first inaugural lie.
The right to dominate them, to exploit them, to manipulate them, to demean them, to alienate them.
Civilisation will have consisted in relentlessly improving the intellectual, psychological, physical and material means of achieving this.
To the point of disfiguring everything; to cover everything with lies.
Incidentally, those who criticise the industrially equipped society of lies while reproducing on their own scale the practices of domination at the origin of this society have in their mouth the corpse of all aborted emancipations. -
𝘓’𝘦𝘧𝘧𝘦𝘵 𝘥𝘦 𝘴𝘱𝘦𝘤𝘵𝘢𝘤𝘭𝘦, c’est l’action permanente et conjuguée de l’ensemble des représentations (médiatiques, politiques, économiques, marchandes) qui captent continuellement l’attention et altèrent la perception du plus grand nombre – de sorte que l’immense majorité trouve normal d’être affairée à produire tous les détails du mirage qui la tient sous hypnose et légitime d’exiger d’en consommer sa part, même pathogène, toxique et falsifiée.
The spectacle effect is the permanent and combined action of all the representations (media, political, economic, commercial) that continually capture the attention and alter the perception of the majority – so that the immense majority finds it normal to be busy producing all the details of the mirage that holds them under hypnosis and legitimizes their demand to consume their share of it, even if it is pathogenic, toxic and falsified.
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« L’agent du spectacle mis en scène comme vedette est le contraire de l’individu, l’ennemi de l’individu en lui-même aussi évidemment que chez les autres. Passant dans le spectacle comme modèle d’identification, il a renoncé à toute qualité autonome pour s’identifier lui même à la loi générale de l’obéissance au cours des choses. »
Guy Debord, La société du spectacle.
Le Spectacle a tué Lola.
Danseuses brésiliennes, musique de boîte de nuit et feux d’artifice : pour fêter son « année record », Cyril Hanouna avait invité en cette fin octobre le dirigeant de C8, Franck Apietto, à venir « faire la fête » sur le plateau. Ce dernier est alors venu remettre un trophée au présentateur vedette, habillé façon bling-bling : lunettes de soleil, faux collier en or, fausse fourrure.
Lola est donc morte deux fois.
D’abord sacrifiée sur l’autel de la barbarie, selon un rituel spectaculairement étalé la veille dans l’émission du même animateur, elle l’a ensuite été sur l’autel de l’audience.
Pas encore physiquement enterrée, elle l’aura bien plus vite encore été symboliquement ; sa mort étant aussitôt recyclée en matière première sacrificielle apportée sur un plateau à l’idole jamais rassasiée dont Hanouna est l’un des prêtres : l’Audimat.
On le sait, le présentateur a depuis longtemps appris à gratter le populisme là où ça le démange, faisant d’une légitime défense en peau de boucs-émissaires un totem compensatoire pour l’impuissance et la résignation générale des foules atomisées, qui supportent chaque jour tant d’humiliations, en applaudissant tout ce qui fait écran à leur émancipation.
Pour ça, pas d’inquiétude, Hanouna est à son poste, et on n’y touchera pas : « Tous les jaloux, tous les rageux. J’ai envie de leur dire : Les chéris, ne vous inquiétez pas, on va continuer à faire deux millions et tout va bien se passer ».
Tiens, un style de mépris déjà entendu quelque part.
Parce qu’Hanouna aussi méprise la légitime décence.
C’est le besoin qu’on a d’elle qui fait la vedette, la misère du besoin.