Un vent violent souffle dans mon dos, tout le monde s’écarte, il ne fallait pas le dire.
Je sais, on m’avait prévenu, il ne fallait pas le dire, il ne fallait pas parler de ça, tant que tu fais semblant, ça passe, mais surtout, surtout, ne pas parler du sentiment de soi, je sais.
C’est trop tard maintenant, je l’ai dit, c’était au bord de mes lèvres depuis des mois et des mois, ça me rongeait de l’intérieur, c’était là tout le temps.
Les écrans s’éteignent, le son se coupe, la lumière s’éteint, il n’y a plus rien.
Merde, je l’ai dit, tant pis, maintenant ça va s’enchaîner les problèmes, c’est que le début, je sais.
Deux hommes s’approchent de moi, se penchent, me menottent, on va m’emmener dans la cellule anti-terroriste, avec un psychologue, un psychiatre, c’est très grave, il ne fallait pas le dire.
Tout le monde me regarde avec un air de dégoût, ma respiration est saccadée, ma bouche sèche, ils passent devant moi, l’air de rien, avec leurs petits dossiers ficelés et le tampon de la préfecture.
Putain, pourquoi est-ce-que je l’ai dit… ?
Certains peuvent rentrer chez eux, je sais, moi je ne pourrais plus, plus jamais, même le camp de base c’est pas sûr, je suis condamnée en fait, c’est un truc que j’avais pas compris tout de suite, mais quand t’es condamné ben y’à plus vraiment d’issue, les échappées c’est fini, les films à la con c’est fini aussi.
Je ne bouge pas, je me laisse faire, on me tire, d’un côté, de l’autre, direction la cellule d’isolement, quel bordel, pourquoi j’ai pas fermé ma putain de guelle.
J’entends des cris de détresse, une foule opaque, je baisse la tête, dehors ça cogne, il pleut des radiations, les systèmes se détraquent, c’est comme ça à chaque fois que quelqu’un en parle, ça fait tout disjoncter, le monde qui est déjà en loques se disloque encore un peu plus.
La cellule est toute petite, je suis recroquevillée, on m’interroge toute la nuit, enfin c’est surtout des injonctions, des paroles toutes faites, des menaces aussi, le tout entrecoupé de jeux vidéos.
Je ne bouge toujours pas, j’accuse les coups, il faut bien payer un jour, c’était plus fort que moi.
La tentation au bord de l’abîme, c’était tout le temps, sur mes lèvres, c’était en moi.
Je vais payer, il faut bien payer un jour, avoir mal un bon coup et puis en finir avec tout ça.




