Description du processus (actuellement en phase terminale) :
Sur plusieurs décennies, une colonisation massive du vécu par des images, véhiculées par les marchandises, au point que le vécu devienne essentiellement consommation d’images. Production simultanée d’une vaste panoplie d’images avec leur mode d’emploi mimétique : les images sont livrées avec normes et contraintes et accompagnées d’une publicité intensive vantant la nécessaire rivalité généralisée dans l’identification aux images.
Lorsque cette colonisation du vécu a vaincu, c’est-à-dire lorsqu’elle s’est suffisamment emparée de la réalité, on observe la substitution progressive, méthodique, scientifique de la réalité par les images. Les consommateurs passifs des images de la société du spectacle (période allant approximativement de 1950 à 1990) en deviennent des acteurs, au sens théâtral : chacun est invité à jouer le personnage qui lui a été attribué. Vivre consiste alors désormais à faire vivre son image.
Une fois la réalité ainsi transformée de fond en comble, l’humain n’a plus, en surface, de lieu pour être et, en profondeur, n’a plus lieu d’être. Ses minces chances de survie impliquent alors de s’insensibiliser à sa propre misère existentielle ; mais cette insensibilité est sa misère existentielle.
On observe alors que toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent de telles conditions implacables de falsification s’annonce comme une immense accumulation de zombies.
Catégorie : éclairages
-
Faits comme des rats. -
La librairie La Rumeur présente Remède à tout
« Alors que les constats de Guy Debord et ses camarades situationnistes ne cessent de s’avérer pertinents, ce court essai propose justement de passer notre présent au crible des concepts de spectacle, de séparation, de fétichisme de la valeur et d’aliénation. Non seulement dépoussiérage de l’héritage situationniste, ce livre précise aussi les contours d’une théorie révolutionnaire de certains aspects désormais centraux de la critique radicale du mode de production capitaliste : technologie, identités, travail aliéné… et propose même un détour, tout aussi inattendu qu’entrainant, par le concept polynésien de fiu (cette inertie naturelle de l’être qui contrevient à la productivité). »
La Rumeur des crêtes
17, avenue Gambetta
84160 Cadenet -
Woman Life Freedomزن زندگی ازادی
Jin Jiyan Azadî
Femme Vie Liberté
Donna Vita Libertà
Mujer Vida Libertad
-
Le totalitarisme, c’est l’interdiction de l’intimité et de l’intériorité au nom de l’intérêt supérieur de l’état. L’homme comme pure extériorité.Son corps, ses pensées, ses désirs, ses décisions, ses gestes, ses paroles, ses rêves et même ses cauchemars appartiennent dès lors au domaine public, dans une surexposition et une transparence totale, faisant de chaque individu, le suspect potentiel d’un crime possible et donc de chacun, littéralement, un monstre – c’est-à-dire celui qu’on peut montrer du doigt et désigner à la vindicte populaire ou à l’opprobre.
Dans une telle société, où la présomption de culpabilité remplace la présomption d’innocence, le contrôle par la terreur est total.
Là où la peur se focalise sur un objet particulier, telle ou telle phobie précise, la terreur, elle, étend ses tentacules à tous les aspects de la vie.
La terreur est la peur irrationnelle due à un danger inconnu perçu comme omniprésent, omnipotent et imprévisible.
Le drone, tout comme les logiciels de reconnaissance faciale embarqués, est le symbole même de la société totalitaire. Le maillage extérieur opéré par les drônes de surveillance et d’attaque se double d’un maillage intérieur où chacun, mis littéralement sous écoute, devient tour à tour son propre drône, le garde-chiourme, l’indicateur de police, l’accusateur et le censeur d’autrui, y compris de soi même, puisque désormais aliéné, c’est à dire dépossédé de son être intime : chacun est devenu l’ombre algorithmique et prévisible de lui même.
Au cœur de la guerre du Proche Orient, de l’Ukraine ou de « celle » (dixit Macron) contre la pandémie de covid se joue le contrôle absolu des consciences pour rendre évident ou acceptable l’inacceptable, la vision étatique, d’un homme dépouillé de son humanité, c’est à dire de son âme, ravalé au rang de simple acteur social ou de variable d’ajustement.

L’ingénierie sociale est le moyen consistant d’abord à atomiser les esprits, c’est à dire à les couper de tout lien social et affectif par la jouissance consumériste, les additions diverses et la peur (la crainte du sevrage de la jouissance consumériste étant aussi une forme de peur) pour, dans un deuxième temps, contrôler le discours sur le réel afin de mettre en œuvre une guerre des consciences entre elles, voire même, d’importer la guerre au plus profond de chaque individu, afin de conformer le réel au discours.
Qui contrôle le discours, contrôle le réel.
Diviser l’individu pour le soumettre au discours et à la vision du monde dominants, tel est le but de l’ingénierie sociale et la marque même de l’idéologie.

Le drône est le garde-chiourme d’un monde devenu carcéral où l’être concret et intime de l’homme est soumis à l’idéal abstrait de l’homme tel qu’il est pensé par l’État totalitaire et dont le contrôle absolu sur les esprits et les corps est le moyen.
L’idéologie totalitaire est à l’image du lit de Procuste. Elle consiste à raboter l’homme concret pour le conformer à la définition de l’État. L’enjeu de ce siècle, de ses conflits et tragédies est devenu celui de la résistance spirituelle à ce nouvel avatar totalitaire.

-
On publie ce court texte reçu. De notre côté, on se dit que toute ces opérations (au sens chirurgical amputatoire), servent aussi de laboratoire à spectacle ouvert pour définir le sort futur des masses en période d’effondrement généralisé.
« Un fait marquant et inédit de la catastrophe vécue par la population libanaise est l’omniprésence des drones, dont l’utilisation est devenue systématique et constante depuis le début du conflit entre Israël, le Hamas et le Hezbollah.
Pour en mesurer l’impact total, il faut essayer de s’imaginer un quotidien sans cesse parasité, de jour comme de nuit, par le bourdonnement métallique de ces engins de surveillance.
Un parasitage sonore mais aussi et surtout psychologique, car le choix d’utiliser des appareils bruyants a pour conséquence de placer les gens dans un sentiment permanent de vulnérabilité et de non intimité, sachant que ces appareils sont en mesure de traquer les moindres faits et gestes de n’importe qui.
Dans ce scénario à la Orwell mais qui n’a malheureusement rien de fictionnel, on découvre – se préfigure ? -une humanité littéralement engluée dans les mailles implacables et froides d’une nuée d’araignées artificielles, à l’extérieur comme à l’intérieur des têtes et des habitations.
Dans ce ciel machinique déserté par les oiseaux, les libanais cherchent désespérément l’improbable horizon. »
-
« Pour apprécier les partis politiques selon le critère de la vérité, de la justice, du bien public, il convient de commencer par en discerner les caractères essentiels.
On peut en énumérer trois :
– Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective.
– Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres.
– La première fin, et, dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.
Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui. »
« On en est arrivé à ne presque plus penser, dans aucun domaine, qu’en prenant position « pour » ou « contre » une opinion.
Ensuite on cherche des arguments, selon le cas, soit pour, soit contre.
C’est exactement la transposition de l’adhésion à un parti.
Presque partout – et même souvent pour des problèmes purement techniques – l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée.
C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques, et s’est étendue, à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée.
Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques. »
« Supposons un membre d’un parti – député, candidat à la députation, ou simplement militant – qui prenne en public l’engagement que voici :
« Toutes les fois que j’examinerai
n’importe quel problème politique ou social, je m’engage à oublier absolument le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice. »
Ce langage serait très mal accueilli. Les siens et même beaucoup d’autres l’accuseraient de trahison.
Les moins hostiles diraient :
« Pourquoi alors a-t-il adhéré à un parti ? » – avouant ainsi naïvement qu’en entrant dans un parti on renonce à chercher uniquement le bien public et la justice.
Cet homme serait exclu de son parti, ou au moins en perdrait l’investiture ; il ne serait certainement pas élu. »
Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques.