Lieu : Une arrière-salle silencieuse.
Date : Un jour sans importance, dans un siècle qui n’en a plus.
Retranscription approximative.
— Nous avons eu tort de croire qu’on pouvait avertir les naufragés. Ils ont acheté des brassards gonflables connectés, ils envoient des selfies depuis le fond. Ils meurent, mais en haute définition.
— Il fallait bien que ça arrive. Tout a été rendu indifférent par l’accélération. On vit dans une sorte de clignotement existentiel, où le monde n’est plus qu’un décor d’écran.
— Il n’y a plus de « vie quotidienne » à détourner : elle a été absorbée par les prothèses comportementales.
— L’homme moderne est un prestataire de services pour sa propre caricature. Il s’entretient, il s’optimise.
— Le consentement n’est plus une question. Il est intégré dans le design. Tout a été conçu pour que la résignation paraisse naturelle.
— Peut-être que le dernier acte de liberté consistera simplement à ne pas participer. Ne pas se joindre au chœur. Laisser une trace blanche, une absence active.
— Ou à écrire entre les lignes du désastre une sorte de manuel de sabotage poétique. Un art de disparaître sans être défaits.
Silence. Le monde continue de clignoter derrière les vitres.
