La vieille actrice se détourne, et puis s’en va.
Habituée à briller sous des voiles synthétiques, endiablée d’une danse qui laisse le cœur vide et l’âme taciturne, la vieille actrice se trouve nue et cruellement seule.
Un creux au centre du thorax, le ventre tordu de questions inutiles (« mes seins, mes jambes, ma peau »), le miroir qu’elle souhaiterait briser, les artifices accumulés et qui pourrissent comme le monde-monde, les jouets sont cassés.
C’est qu’il manque une certaine épaisseur maintenant, quand tout s’écroule, et qu’il n’y a plus nulle part de réponses rapides aux questions avides, la course devient stérile, l’argent se meurt, pour ce qu’il ne représente plus ; cendres d’une volonté de toute puissance, dont le rien s’évanouit.
La vieille actrice regarde en arrière, se drogue d’images, images de soi, en boucle, ritournelle de l’image qui rassure, peut-on encore jouer le jeu, rien qu’une fois, ce jeu de dupe de la séduction.
Le vieux jeu, dans lequel les acteurs se reconnaissent, chacun sa partition, chacun aura son quart d’heure de gloire, de jouissance fanée, de sexe débridé.
Le vieux monsieur se détourne, et puis s’en va.
Connaissant trop bien les règles, il se sait vaincu aux premières lueurs de l’aube, ça ne tiendra pas, la luxure réclame une certaine aisance, aux premières lueurs de l’aube tout s’effondrera, un autre monde se rejouera, avec d’autres participants, d’autres que lui se tiendront sur la scène, c’est sûr.
La jeune fille se détourne et s’en va.
N’ayant plus assez de flot, de flux, d’énergie vaine, de pulsation, ayant déjà dépensée trop dans des circuits courts, la jeune fille qui pourrait être au centre du jeu, se met à pleurer, le jeu est toujours le même, il faut sans cesse attirer la convoitise, et c’est sans fin, le monstre veut toujours plus, les enchères montent chaque seconde.
Alors, déjà fatiguée de faire semblant, du théâtre mondain, de l’adrénaline, la jeune fille pleure dans le désert de sa condition.
Le mensonge est la condition, qu’on appelle politesse, pour pallier aux plaies internes, le désert est immense.
Ne reste que peu de monde finalement à se vautrer dans le monde-monde, pensant encore y trouver un espace de satisfaction.
Mais là encore les ballons éclatent sur la face rouge des participants, la fête est finie, il faut rentrer chez soi.
