
On entend dire que la science est maintenant soumise à des impératifs de rentabilité économique ; cela a toujours été vrai.
Ce qui est nouveau, c’est que l’économie en soit venue à faire ouvertement la guerre aux humains ; non plus seulement aux possibilités de leur vie, mais à celles de leur survie.
C’est alors que la pensée scientifique a choisi, contre une grande part de son propre passé anti-esclavagiste, de servir la domination spectaculaire.
La science possédait, avant d’en venir là, une autonomie relative. Elle savait donc penser sa parcelle de réalité ; et ainsi elle avait pu immensément contribuer à augmenter les moyens de l’économie.
Quand l’économie toute-puissante est devenue folle, et les temps spectaculaires ne sont rien d’autre, elle a supprimé les dernières traces de l’autonomie scientifique, inséparablement sur le plan méthodologique et sur le plan des conditions pratiques de l’activité des « chercheurs » (…).
La domination spectaculaire a fait abattre l’arbre gigantesque de la connaissance scientifique à seule fin de s’y faire tailler une matraque.
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle .
- (Les mises en italique sont de nous)