Comment l’esprit vient aux choses.

La valeur d’un produit qui n’est pas une marchandise est entièrement et exclusivement déterminée par ses qualités, qui se ramènent à l’usage que l’on peut en faire. Cette valeur est en partie objective ; il s’agit des propriétés utilisables de l’objet, et en partie subjective ; il s’agit de la réception de ces propriétés par un sujet : comment il les perçoit, ce qu’il envisage d’en faire dans sa vie singulière.

Pour ce qui est d’une marchandise, il s’agit d’un produit qui bien sûr conserve sa valeur d’usage, mais qui présente d’abord la particularité d’être équivalent à une somme d’argent : le produit vaut un certain prix. Ce prix n’est pas déterminé par le temps de travail, la rareté, l’utilité de l’objet, sinon de façon inessentielle, périphérique.

Ce qui détermine – tautologiquement – le prix de l’objet, c’est qu’il a un prix.

Une fois devenue marchandise, un objet n’appartient ni à son producteur, ni à son consommateur, sinon de façon inessentielle, périphérique. Il appartient à l’argent. C’est l’argent qui lui donne sa valeur, qui sera convertie en prix, pour les commodités de l’échange.

Le prix d’un objet peut augmenter, s’effondrer pour toutes sortes de raisons inessentielles du point de vue de l’argent : l’essentiel est que l’objet garde un prix, et donc une valeur marchande ; et donc continue d’appartenir à l’argent.

Qu’est-ce alors que l’argent ? La représentation universelle abstraite de la richesse. Quelle richesse ? Toute la richesse.

Avoir de l’argent, c’est entrer dans la représentation de la richesse ; y tenir un rôle, ne serait-ce que comme figurant. Mais cette représentation est abstraite. L’argent n’a pas d’odeur, ni de goût, ni aucune autre qualité sensible nécessaire. C’est pourquoi il peut avantageusement se passer de toute forme matérielle.

L’argent est la pure spiritualité désincarnée : il est l’esprit de tout s’étant éloigné et élevé au-dessus de tout.

L’argent a dévalisé le monde de tout, de sorte que le monde est vide, sans intérêt, désenchanté – à moins d’avoir de l’argent.

Et quand on a de l’argent, ce n’est pas pour vivre le monde, qui n’est plus rien sinon de façon inessentielle, périphérique, mais pour vivre l’argent, pour participer à la représentation universelle de la richesse.

Le riche est celui qui sent non pas qu’il est riche, car il n’est riche de rien, sinon de façon inessentielle, périphérique, mais celui qui sent qu’il représente la richesse. Et la marchandise riche n’est pas riche de ses qualités intrinsèques, sinon de façon inessentielle, périphérique, mais elle est riche en proportion de sa capacité à représenter la richesse universelle : elle en jette.

Ce qui fait la valeur d’une marchandise, c’est sa capacité à donner corps à l’abstraction ; sa capacité à mettre en spectacle la richesse universelle contenue dans l’argent.

Le spectateur qui a réussi devient ipso facto une vedette et donc il se voit acteur, il peut donc oublier un temps qu’il n’est que le spectateur d’une vie qui n’est qu’un spectacle, il peut croire qu’il est différent des figurants : il est l’illusion réalisée.

La boucle est bouclée. La vie perdue dans la production de la richesse universelle abstraite, qui est identique à la production universelle du non vécu, revient aux vivants comme représentations désirables et désirs de représentations.

La vie retrouvée consiste à désirer déserter ces désirs.

How the mind comes to things.

The value of a product that is not a commodity is entirely and exclusively determined by its qualities, which come down to the use that one can make of it. This value is partly objective; it concerns the usable properties of the object, and partly subjective; it concerns the reception of these properties by a subject: how he perceives them, what he plans to do with them in his singular life.
As far as a commodity is concerned, it is a product which of course retains its use value, but which first of all has the particularity of being equivalent to a sum of money: the product is worth a certain price. This price is not determined by the labor time, the scarcity, the utility of the object, except in an inessential, peripheral way. What determines – tautologically – the price of the object is that it has a price.
Once it has become a commodity, an object belongs neither to its producer nor to its consumer, except in an inessential, peripheral way. It belongs to money. It is money that gives it its value, which will be converted into price, for the convenience of exchange. The price of an object can rise or fall for all sorts of reasons that are inessential from the point of view of money: the essential thing is that the object retains a price, and thus a market value; and thus continues to belong to money.
What then is money? The universal abstract representation of wealth. What wealth? All wealth. To have money is to enter into the representation of wealth; to play a role in it, if only as an extra. But this representation is abstract. Money has no smell, no taste, no other necessary sensible quality. That is why it can advantageously do without any material form.
Money is pure disembodied spirituality: it is the spirit of everything having moved away and risen above everything.
Money has robbed the world of everything, so that the world is empty, meaningless, disenchanted – unless you have money. And when one has money, it is not to live the world, which is no longer anything but inessential, peripheral, but to live money, to participate in the universal representation of wealth.
The rich man is the one who feels not that he is rich, because he is rich of nothing, except in an inessential, peripheral way, but the one who feels that he represents wealth. And the rich commodity is not rich because of its intrinsic qualities, except in an inessential, peripheral way, but it is rich in proportion to its capacity to represent universal wealth: it throws up a lot.
What makes a commodity valuable is its capacity to give substance to abstraction; its capacity to put on display the universal wealth contained in money.
The spectator who has succeeded becomes ipso facto a star and therefore sees himself as an actor, he can forget for a while that he is only the spectator of a life that is only a show, he can believe that he is different from the extras: he is the illusion realized.
The loop is buckled. The life lost in the production of the universal abstract wealth, which is identical to the universal production of the unlived, returns to the living as desirable representations and desires of representations.
The recovered life consists in desiring to desert these desires.


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