A y regarder de près, et en toute simplicité, le bonheur profond n’est rien d’autre que le bonheur profondément enraciné dans le bonheur. Car « réussir dans la vie » n’implique en rien de réussir sa vie, et le « bonheur » du salaud est impropre à le rendre heureux. Dès lors qu’un être humain vit séparé de ce qui lui permet de goûter pleinement l’humanité, il s’éloigne de ce qui peut le rendre pleinement humain et ce faisant il abîme voire déracine son humanité. Mal agir, c’est décroître en humanité. C’est pourquoi l’injuste s’enlaidit, se dessèche, tandis que le juste, quoi qu’il endure, transmet toujours quelque chose d’épanouissant dans son regard, dans ses paroles et dans ses gestes. Il est juste d’être juste. C’est en quoi les salauds sont des vaincus, et les justes les véritables champions de l’existence. C’est toujours la vie qui gagne, hier, aujourd’hui, demain et éternellement.
Vous trouverez en PDF ci-dessous quelques extraits du livre.
Il est maintenant présent dans de nombreuses librairies et peut être commandé dans presque toutes – ou directement chez l’éditeur sur cette page : Bon de commande
où vous trouvez également la Table des matières ainsi qu’un petit entretien avec les auteurs.
Chapitre 1 La question centrale. Où l’on démontre que : • Marx a nettement sous-estimé la destructivité du capitalisme. • Marx a néanmoins correctement estimé l’aliénation. • À la suite de Marx, les situationnistes ont correctement posé la question centrale. • La question centrale n’est pas secondaire, quand bien même les questions secondaires sont devenues centrales.
Chapitre 2 La société du spectacle et ses ennemis. Où l’on démontre que : • Les situationnistes étaient modérément technophiles. • La société est avant tout et en dernière instance spectaculaire, et seulement conséquemment techniciste et industrielle. • Le « coup du monde » n’est rien de technique. • Ellul aurait mieux fait de devenir situationniste (et ce n’est pas un détail).
Chapitre 3 L’économie n’existe pas. Où l’on démontre que : • La valeur, qu’elle soit d’usage, d’échange ou d’autre chose, est le monde moins le monde. • L’économie est la diversion suprême. • Lorsque le savoir séparé a tout séparé, l’or s’est couché sur le monde. • Le travail, c’est capital (et ce n’est pas de la novlangue).
Chapitre 4 L’humanité n’existe toujours pas. Où l’on démontre que : • Chacun est tissé de tous les autres sous un motif jamais le même. • Le temps est une invention des hommes incapables d’aimer. • Au commencement est l’anarchie. • La vie doit tout remplacer.
Une question préalable à l’écriture de ce texte était de savoir si nous devrions laisser la totalité du langage à l’organisation spectaculaire et déserter toute expression radicale, pour la raison qu’elle est sans puissance discernable ? Ce qui reviendrait à s’étouffer volontairement en quelque sorte, tandis que la maintenance de la critique nous est un agrément respiratoire, et de même pour quiconque s’en saisit. En outre, et Debord l’avait déjà noté (pour en faire l’usage que l’on sait), en certains temps troublés (et c’est peu de dire que les nôtres le sont), il n’est pas hasardeux de penser que la vague connaissance de l’existence d’une condamnation centrale de l’ordre existant peut parfois suffire, si jamais elle se répand, à rouvrir l’horizon émancipateur, en créant de nouvelles aspirations, lorsque le remède est connu. C’est un pari qui, pour incertain qu’il soit, mérite d’être pris, d’autant que nous n’en avons pas trouvé de meilleur. Il y a évidemment des choses à dire plus essentielles ; et elles sont dans le livre.
Les romantistes recueillent le meilleur du romantisme et des romantiques mais évitent l’écueil de l’enfermement autarcique pseudo suffisant de la « belle âme ».
– Ils cultivent attentivement l’émerveillement et le font apparaître et transparaître en tous lieux et en tout temps, hors de toute limitation spatiale ou temporelle. – En premier lieu ils s’émerveillent de ce qui subsiste, résiste et reste intact en eux et autour d’eux dans la nature au sens à la fois précis et illimité, comme dans les regards, les attitudes, les vestiges et les vertiges. – Ils véhiculent l’émerveillement, la sensibilité et l’attention au juste, au beau, au vrai. – Ils se dérobent au spectacle, à toute pose, et sont outillés en toutes circonstances de la théorie anti spectaculaire pour déconstruire et détruire les situations aliénées. – Ils vivent la joie d’être libres intérieurement comme ils respirent.
Cette joie n’est rien d’autre que l’air et le refrain du monde allant s’émancipant.
« Je dois préciser que je n’oppose d’aucune façon l’émerveillement à la lucidité. En fait, je crois que j’ai passé presque tout mon temps à m’émerveiller. J’ai peu écrit là-dessus, voilà tout. Ce sont les nécessités de la lutte contre ce qui, toujours plus pesamment, venait faire obstacle à mes goûts, qui m’auront conduit, malheureusement, à devenir une sorte d’expert dans cette sorte de guerre. […] Il fallait seulement savoir aimer. » Guy Debord à Annie Le Brun.
Ces brèves notes synthétisent les rencontres, les discussions et réflexions de l’été jusqu’au début de l’automne 2024, en soulignant que la dispersion géographique a considérablement limité les contacts. On fait comme on peut.
Le premier constat au sein de l’Observatoire au fil de nos rencontres est que presque partout les gens sont considérablement abîmés, physiquement et plus encore dans leurs têtes.
Mais aussi que les cœurs le sont moins, sauf chez les fanatiques de l’aliénation évidemment.
Quelque chose résiste/se tient à l’écart/reste intact/vit ailleurs.
Le cœur, foyer insurrectionnel. La sensibilité, communauté de l’humain.
Les affinités vraies à démêler.
Il nous semble qu’on peut donc malgré tout et à terme tabler sur les bienfaits immédiats d’un possible dérèglement du système, lié à un soulèvement des solidarités dans les franges les plus lucides/sensibles : une régénération/réoxygénation.
Après, tout dépendra des capacités anti idéologiques, de leurs possibles contagions/diffusions, ce qui revient à affirmer sans risque d’erreur qu’évidemment la partie n’est pas gagnée.
Il y aura bien des convulsions, des reculs, des errements avant que, contraints par l’asphyxie générale du système, les peuples parviennent à entrevoir/pressentir/retrouver un vécu émancipateur.
Entre-temps, la détérioration accélérée des conditions de survie va continuer et amplifier son œuvre de destruction (mais aussi de clarification). On se prépare au pire en cherchant le meilleur.
On the possibilities for deconstructing alienated situations.
These brief notes summarise the meetings, discussions and reflections of the summer, emphasising that geographical dispersion has considerably limited contacts. We do what we can.
The first thing to emerge from the Observatory’s summer meetings is that people everywhere are considerably damaged, physically and even more so in their minds. But also that hearts are less so, except among the fanatics of alienation of course. Something resists / stands aside / remains intact / lives elsewhere. The heart, a hotbed of insurrection. Sensibility, the human community. True affinities to be unravelled. It seems to us that, despite everything, in the long term we can count on the immediate benefits of blocking the system, including an uprising of solidarity in the most lucid/sensitive fringes: regeneration/reoxygenation. After that, everything will depend on the anti-ideological capacities and their possible contagion/diffusion, which means that we can safely say that the game is obviously not won. There will be many convulsions, setbacks and wanderings before, constrained by the general asphyxiation of the system, people manage to glimpse/feel/recover an emancipatory experience. In the meantime, the accelerated deterioration in survival conditions will continue and amplify its work of destruction (but also of clarification). We’re preparing for the worst by looking for the best.
« Pour apprécier les partis politiques selon le critère de la vérité, de la justice, du bien public, il convient de commencer par en discerner les caractères essentiels.
On peut en énumérer trois :
– Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective.
– Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres.
– La première fin, et, dernière analyse, l’unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.
Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S’il ne l’est pas en fait, c’est seulement parce que ceux qui l’entourent ne le sont pas moins que lui. »
« On en est arrivé à ne presque plus penser, dans aucun domaine, qu’en prenant position « pour » ou « contre » une opinion. Ensuite on cherche des arguments, selon le cas, soit pour, soit contre.
C’est exactement la transposition de l’adhésion à un parti.
Presque partout – et même souvent pour des problèmes purement techniques – l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée. C’est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques, et s’est étendue, à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée. Il est douteux qu’on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques. »
« Supposons un membre d’un parti – député, candidat à la députation, ou simplement militant – qui prenne en public l’engagement que voici :
« Toutes les fois que j’examinerai n’importe quel problème politique ou social, je m’engage à oublier absolument le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice. »
Ce langage serait très mal accueilli. Les siens et même beaucoup d’autres l’accuseraient de trahison.
Les moins hostiles diraient : « Pourquoi alors a-t-il adhéré à un parti ? » – avouant ainsi naïvement qu’en entrant dans un parti on renonce à chercher uniquement le bien public et la justice. Cet homme serait exclu de son parti, ou au moins en perdrait l’investiture ; il ne serait certainement pas élu. »
Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques.