Gaza est devenue bien plus qu’un territoire en guerre. C’est aujourd’hui le point aveugle le plus criant de la conscience mondiale : un espace clos où l’inhumain se déroule en pleine lumière, sans que cela n’interrompe le cours ordinaire du monde.
Là, plus de deux millions d’êtres humains, dont la moitié sont des enfants, vivent enfermés, affamés, bombardés. Depuis des mois, des frappes massives, des hôpitaux visés, les écoles transformées en abris de fortune puis en cibles militaires, les vivres au compte-goutte.

C’est un endroit où l’on meurt de faim à l’ère de la surproduction, où l’on meurt de silence au temps des réseaux saturés de bruit, où l’on meurt d’abandon dans un monde qui se dit connecté.
Le monde voit. Le monde sait. Et c’est cela qui fait de Gaza un miroir atroce : il reflète la faillite morale d’une époque saturée d’images, mais incapable de répondre au réel.
Des enfants amputés sans anesthésie. Des mères qui enterrent leurs fils à mains nues. Des files d’attente pour un litre d’eau saumâtre. Des cris dans le noir, que nul ne vient apaiser. Cela ne relève plus de la guerre, mais d’un effacement méthodique de la vie civile. Une opération d’écrasement existentiel.
On cherche souvent des comparaisons. Sarajevo ? Grozny ? Le Yémen ? Le Ghetto de Varsovie ? Toutes sont imparfaites. Car Gaza cumule tout cela à la fois : la densité de feu, la séquestration collective, la famine organisée, l’horreur au quotidien.
Et pourtant, Gaza n’est pas une faille dans le système international : elle en est la vérité nue. L’ONU impuissante, les chancelleries bavardes, les intellectuels paralysés, les médias soumis, les puissances complices. Le silence n’est pas un accident. Il est la forme moderne de l’assentiment.
Ce n’est pas seulement Gaza qui vit à l’agonie : c’est aussi ce qu’il reste de notre conscience partagée, c’est notre propre humanité que nous laissons mourir.