La pièce sans théâtre.

ACTE I — Le royaume des écrans

« Qu’est-ce là ? Des visages sans regards, penchés comme des moines sans foi,
Devant des vitres claires où point ne luit le ciel,
Mais seulement leur reflet, qui les hypnotise. »

« Le temps s’écoule goutte à goutte, pixel à pixel,
Et chacun vit dans un rêve tissé par d’autres mains.
Ils parlent sans se voir, s’aiment sans se sentir,
Et meurent sans douleur, car déjà ils étaient absents. »


ACTE II — Les puissants

« Voici les nouveaux rois : non d’épée ni de sceptre,
Mais d’algorithmes froids et de chiffres muets.
Ils gouvernent par les goûts, devinent les pensées,
Et font danser le monde comme une marionnette brisée. »

« Leur palais est de verre, leur voix est de néant,
Ils n’ont ni chair, ni remords, ni visage à gifler. »


ACTE III — Le peuple en liesse

« Ô peuple ! Enchaîné par les colliers que tu as choisis,
Riant de tes chaînes comme si c’était des bijoux !
Tu danses dans la fête que d’autres ont prévue,
Et crois qu’il te suffit d’applaudir pour être libre. »

« Le mendiant chante sur TikTok, le sage vend son âme,
Et la gloire d’un jour vaut mieux qu’une vie droite. »


ACTE IV — Le langage défait

« Les mots ont fui les livres pour pourrir sur les murs,
Griffonnés, saccagés, tordus jusqu’à l’oubli.
Les poètes vendent des slogans, les penseurs des likes,
Et la langue, jadis reine, est traînée dans la fange. »

« On parle beaucoup pour ne rien dire,
Et l’on dit surtout ce qui plaît — non ce qui est. »


ACTE V — Le théâtre du monde

« Tout est spectacle — mais sans théâtre.
Tout est mise en scène — sans mise en abîme.
Chacun joue son rôle sans connaître la pièce,
Et la fin approche sans que nul ne s’émeuve. »

« Je vois un monde où les hommes ne savent plus tomber,
Car ils n’ont jamais appris à se tenir debout. »

Rideau.