Notre campement nomade.

Discrètement, nous avons dépassé sur notre chaîne le millier d’abonné(e)s, et sur le site plusieurs dizaines de milliers de visites annuelles.

Nous sommes un tant soit peu connus et lus de l’autre côté de l’Atlantique et jusqu’en Asie.

Nous n’en tirons pas de conclusion, ne sachant pas suffisamment à quoi cela correspond, à quel degré d’intérêt, quoique des « retours » encourageants, des sympathies, et quelques collaborations sont venues, et bienvenues.

Nos spécificités commencent cependant certainement à être mieux perçues : l’emploi actualisé des concepts situationnistes ; l’abstention éristique (notre évitement des polémiques et des injures ; toujours réductrices, le plus souvent diffamatoires) ; un alliage réinventé de radicalité (prendre tout à la racine) et néanmoins d’ouverture (de volonté de comprendre au-delà des apparences, des postures) : ce qui veut dire que nous prenons d’abord le pari et le parti de la vie, vie qui est crises et évolutions, créations et dépassements.

Ne rien figer, ni personne, sinon ceux qui se figent eux-mêmes.

Le reste est mort ; momies, statues, idoles : mort donc.

Nous développons notre réceptivité, notre attention toujours et avant tout en direction de ce qui dépasse : dans les comportements, les actes, les paroles ; là où se trouvent des failles, des interstices, des passages.

Tout en nous exerçant à la prudence, tout en développant et clarifiant notre part de vérité propre. Nous ne voulons pas ajouter de la division aux divisions, entretenir les séparations. Pour le dire simplement, il nous semble préférable de discerner des passerelles, plutôt qu’entretenir les murs.

En cela bien sûr nous nous différencions des situationnistes, dont l’urgence était de créer une nouvelle ligne de démarcation, en adéquation avec le commencement d’une nouvelle époque, ce qui a effectivement été réalisé, mais non sans quelques outrances, occasions manquées, vaines postures.

Il nous semble quant à nous que, dans le pourrissement historique où nous sommes entrés, l’urgence est de ne pas pourrir avec l’époque : de gagner en noblesse, pour tout dire.

Tout est amené à disparaître – à être recyclé ou dépassé.

L’époque du pourrissement exige et suscite et favorise de nouvelles pousses, orientées vers de nouveaux dépassements.

Il ne s’agira plus, quand elles auront grandi, de les reconnaître à leurs fruits, mais au printemps qu’elles annoncent.

C’est là que nous campons.

Photo de Mitchell Luo