There are lots of knots and we need to find the end of the string. From there, we can patiently untangle the whole. This end is the development of individual consciousness, its emancipation, its elevation, its autonomy, its freedom; the joys that result, the solutions it foresees, their creative and evolutionary sharing. This is the cornerstone, the rock on which everything else is built.
Yet the entire system of planetary domination, whether it’s the stultification of alienated, forced labor or the consumerist stupidity that is its counterpart, is designed to deprive individuals of this emancipated conscious development.
Instead, these individuals are « invited » to take their place as cogs in the system, not just superficially, but in ever-greater mimetic dependence. The aim: to calculate one’s existence, to think in algorithms, to make oneself indispensable to the artificial.
Hence the human-shaped shop windows that stroll along what’s left of the sidewalks, and the omnipresent background sounds of walking cash drawers.
The society of the spectacle no longer looks much like a society, while the spectacle turns into a tragic comedy.
It’s in the midst of this battlefield, mined on all sides and in a thousand ways, that we have to decide how to get out of it, which is all the more difficult given that, at first glance, there’s nowhere else to go.
Except the emancipated space of emancipatory consciousness. The end of the ball.
It is from here, and only here, that humanity can glimpse not a rebirth, but rather, its true birth.
Only then is it useful, legitimate and possible to progressively redesign – at the pace of the emancipated evolution of emancipated consciousnesses – the relationships that humanity can maintain or allow to wither or abolish with technology, with knowledge, with tools, instruments, machines, with the hands, with the heart, with inspirations, intuitions, the sense of what is true, good, beautiful, just, with the taste for life, the flowering and harvesting of its joys, the overcoming of its sorrows and the horizons of its destiny, among others.
Only from there, and not from ideologies, systems (even anti-system ones), postulates, dogmas, still less from impositions, decrees or ready-made solutions.
Nor from democracy, however small-scale and direct. A democracy of morons or barbarians or of moronic barbarians, or of mimetic or sclerotic, sectarianized individuals, will produce micro-barbaries, or sects, and so on. Representative democracy, which is certainly a sham, is not the cause of the passivity of the masses, but it is the passivity of individual consciences agglutinated in masses that makes it possible.
As long as these individual consciences remain passive, they will agglutinate in masses, even if they are small masses: 20, 100, 500 zombies gathered in a direct democracy will give nothing more than a more direct – and certainly democratic – access to zombitude.
At the moment, we can’t really decide whether to use a part of democracy, a part of representativeness, a part of industry, a part of machines, why or how. All this, and everything else, depends on the relationship that each and every one of us, in fairly significant numbers, will have with ourselves, with our thoughts, our desires, our hearts, our hands, our loved ones, our distant ones, non-humans (if that makes any sense), the earth, our perception of it, the way we care for it, help it, participate in it, take what is necessary from it, and so on.
We can only reasonably envisage that it will take time, debunkings, reconversions, abolitions, alchemies, evolutions, bifurcations, against a backdrop of communicative wisdom – which is the emancipatory development of individual consciences becoming emancipated.
Il y a un grand nombre de nœuds et il nous faut trouver le bout de la ficelle. De là, nous pourrons patiemment démêler le tout. Ce bout, c’est le développement de la conscience individuelle, son émancipation, son élévation, son autonomie, sa liberté ; les joies qui en résultent, les solutions qu’elle entrevoie, leur partage créatif et évolutif. C’est la pierre angulaire, le roc sur lequel édifier tout le reste.
Or l’ensemble du système de domination planétaire, qu’il s’agisse de l’abrutissement du travail aliéné et contraint ou de l’abêtissement consumériste qui en est le pendant, est fait pour priver les individus de ce développement conscient émancipé.
A la place, ces individus sont « invités » à prendre place en tant que rouages de ce système, non pas seulement superficiellement, mais dans une dépendance mimétique toujours plus forte. : calculer son existence, penser par algorithmes, se rendreindispensable à l’artificiel.
D’où ces vitrines à forme humaine qui déambulent sur ce qui reste de trottoirs, ce fond sonore omniprésent de tiroirs-caisses ambulants.
La société du spectacle ne ressemble plus trop à une société, tandis que le spectacle tourne à la comédie tragique.
C’est au milieu de ce champ de bataille miné de toutes parts et de mille façons qu’il faudrait décider de comment en sortir, ce qui est d’autant moins évident qu’il n’y a de prime abord aucun ailleurs où sortir.
Sauf l’espace émancipé de la conscience émancipatrice. Le bout de la pelote.
C’est à partir de là et seulement de là que l’humanité peut entrevoir non pas une renaissance mais mieux, sa véritable naissance.
C’est seulement à partir de là qu’il est utile, légitime, possible de redessiner progressivement – au rythme de l’évolution émancipée des consciences émancipées – les relations que l’humanité peut entretenir ou laisser dépérir ou abolir avec la technique, avec le savoir, avec les outils, les instruments, les machines, avec les mains, avec le cœur, avec les inspirations, les intuitions, le sens du vrai, du bien, du beau, du juste, avec le goût de vivre, la floraison et la moisson de ses joies, le dépassement de ses peines et les horizons de sa destinée, entre autres.
A partir de là seulement, et non pas à partir d’idéologies, de systèmes (fussent-ils antisystèmes), de postulats, de dogmes, encore moins d’impositions, de décrets, de solutions toutes faites.
Pas plus à partir de la démocratie, fut-elle directe et à échelle réduite. Une démocratie d’abrutis ou de barbares ou de barbares abrutis, ou d’individus mimétiques ou sclérosés, sectarisés, produira de micro-barbaries, ou des sectes, etc. La démocratie représentative, qui est certes une imposture, n’est pas la cause de la passivité des masses, mais c’est la passivité des consciences individuelles agglutinées en masses qui la rend possible.
Tant que ces consciences individuelles resteront passives, elles s’agglutineront en masse, fussent-elles de petites masses : 20, 100, 500 zombies rassemblés en démocratie directe ne donneront rien d’autre qu’un accès plus direct – et démocratique certes – à la zombitude.
Nous ne pouvons actuellement véritablement décider si, ponctuellement, une part de démocratie pourrait être utilisée, voire ponctuellement une part de représentativité, une part d’industrie, une part de machines, pourquoi, comment. Tout cela, et tout le reste, est suspendu à la relation que chacune et chacun, en nombre assez significatif, entretiendra avec soi-même, avec ses pensées, ses désirs, son cœur, ses mains, ses proches, ses lointains, les non-humains (si cela garde un sens), la terre, la perception qu’on en a, la façon de l’entretenir, de l’aider, d’y participer, d’en prélever ce qui est nécessaire, etc.
Nous pouvons seulement envisager raisonnablement qu’il faudra du temps, des déboulonnages, des reconversions, des abolitions, des alchimies, des évolutions, des bifurcations, sur fond de sagesse communicative – ce qui relève du développement émancipateur des consciences individuelles s’émancipant.
La notion « d’extrême centre » est réapparue sur la scène médiatique, le 18 avril 2022 sur « France Culture », lorsqu’Emmanuel Macron, candidat à un nouveau mandat présidentiel, a ainsi désigné son projet politique.
Le but était clairement de se positionner par rapport à ses adversaires en lice en revendiquant et en assumant d’un même élan une place centrale sur l’échiquier politique avec un triple objectif : unir les courants idéologiques en rassemblant les volontés soumises des partis de droite et de gauche modérés dans un vaste programme d’union nationale, rejeter les oppositions politiques dans les marges du spectre électoral vers les affres de l’extrémisme hyperbolisé, donner une assise conceptuelle pragmatique, une consistance politico-médiatique, aux antipodes des idéologies extrémistes, à un mouvement jusqu’alors nébuleux et coupé des besoins réels du pays.
Ce faisant, le président Macron, en connaissance de cause ou par un sens aiguisé de la survie politique, s’inscrivait dans une tradition politique bien française, née avec la Révolution et l’apparition de ceux qu’on appelait à l’époque « les girouettes » et dont l’historien Pierre Serna, inventeur de l’expression « extrême-centre », a retracé la généalogie dans son livre L’extrême centre ou le poison français : 1789-2019, Champ Vallon, 2019.
Or, quelle est cette tradition politique française dont Emmanuel Macron est le parfait représentant ? Quelles en sont les caractéristiques ?
Tout d’abord l’extrême centre est un mouvement de réaction aux troubles civils et aux périodes de crise en général. Il apparaît en France dans le sillage des guerres de religion, de la Fronde ou du discrédit de la monarchie à la suite de la guerre de Sept Ans.
Les soubresauts de la Révolution – du Gouvernement révolutionnaire à la Restauration en passant par le Directoire et l’Empire – voient également l’émergence de ce type de régime modérantiste qui apparaît comme la planche de salut face au chaos social et politique.
D’autre part, la notion d’extrême centre est un oxymore, le rapprochement de deux termes absolument contradictoires qui constitue le pendant théorique de la politique dite pragmatique du « en même temps » macroniste.
De quoi cette notion est-elle le nom ?
Si l’extrémisme désigne en politique l’excès, la démesure, la passion délirante et donc le désordre, le centre a contrario serait l’incarnation de la modération, du juste milieu, de la raison donc de la mesure et de la norme pour ne pas dire de la normalité ; bref de l’ordre.
Par cette auto proclamation, Macron, d’un même geste, disqualifie par avance toute opposition politique désormais considérée comme pathologique, dangereuse, extrémiste et irresponsable, tout en incarnant un juste milieu rassurant, le camp des modérés, de la raison, le gouvernement des experts et techniciens de la politique, neutres et désintéressés, dépourvus de toute idéologie et de toute passion.
Le centre en se posant en nouvel absolu dépassant les clivages partisans devient le dernier rempart face au chaos, une force d’équilibre indépassable et rassurante s’inscrivant dans une continuité historique et une tradition.
Ainsi les élections législatives de 2022 ont laissé apparaître la fracture tripartite du spectacle politique français, écartelé entre d’un côté une gauche et une droite extrêmes et de l’autre une majorité gouvernementale dite modérée.
Cependant comment concilier la néo-philosophie du changement, du mouvement, de la « révolution en marche » pour reprendre le titre programmatique du candidat Macron en 2017, tout en se revendiquant d’un extrême centre synonyme de consensus, de compromis, de statu quo et par suite d’immobilisme politique?
La phrase du Prince de Salina incarné par Burt Lancaster dans le film de Visconti Le Guépard, face à la tourmente de l’histoire en marche en plein Risorgimento italien nous suggère une piste : « Il faut que tout change pour que rien ne change ».
L’obsession de la réforme, du mouvement, de la marche, du changement, de la révolution disruptive des manières, du langage, des mœurs, de la politique, de l’économie ne serait que le voile illusoire dissimulant, derrière l’agitation de surface, la volonté de ne rien changer, de maintenir le statu quo au profit des intérêts d’une classe dominante, d’une élite.
Dès lors l’extrême centre peut s’entendre non comme le parti du « juste milieu » mais comme celui obéissant à la loi mafieuse du milieu (« La Mafia vient partout au mieux sur le sol de la société moderne. Elle est en croissance aussi rapide que les autres produits du travail par lequel la société du spectaculaire intégré façonne son monde. », Commentaires sur la société du spectacle, Guy Debord) pour sauvegarder ses intérêts de classe, une idéologie, avançant masquée derrière les atours de la raison et de la technocratie dans le seul but dissimulé de museler et même dissuader tout discours contestataire, a fortiori, d’adopter une posture autoritaire au nom de la normalité, de la modération et de la raison dans un scénario politique fragmenté, où la moitié du corps électoral s’abstient désormais de voter, dévoilant ainsi les prémisses, déjà observées de longue date, d’une crise pour le coup radicale de la représentativité démocratique et par conséquent de la légitimité politique qui en découle.
Au cœur de cette défiance populaire à l’égard des élites gouvernantes, s’élargit le fossé toujours plus important entre la légalité et la légitimité, se soldant inévitablement par une domination toujours plus grande exercée par le pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif devenu, au détriment de sa fonction représentative prétendue de l’intérêt commun, la simple chambre d’enregistrement d’une minorité.
On reconnaît l’arbre à ses fruits. Or quels sont-ils ?
On l’a vu, la pente naturelle de l’extrême centre est celle d’une politique modérantiste c’est-à-dire modérée car se proclamant rationnelle et raisonnable, se voulant objective, factuelle mais reposant en réalité sur les seuls principes du libéralisme économique envisagé comme l’alpha et l’oméga de l’existence humaine et de l’organisation sociale – mais paradoxalement menée d’une main de fer par un exécutif autoritaire reposant sur quelques constantes identifiables que nous allons rapidement énumérer.
Tout d’abord l’existence d’une « philosophie » de vie, « le girouettisme », justifiant le ralliement obscène de personnalités de tous bords, spécialisées dans le retournement de veste de haut vol (dans tous les sens du terme).
D’autre part une élite de fonctionnaires, de technocrates, de notables et de politiciens qui constituent l’appareil d’état inamovible, l’état profond du pays, insensible aux bourrasques de l’Histoire, assurant ainsi la transition entre les régimes successifs et garantissant la sauvegarde des intérêts d’une oligarchie.
La bureaucratie et l’administration se substituent alors au politique et le règne de l’expert occulte (« le centre directeur est maintenant devenu occulte », Commentaires sur la société du spectacle, Debord, déjà cités), du manager en quête d’efficacité et de rendement, derrière une apparente neutralité factuelle, masque l’idéologie économique sous-jacente.
Un discours de la modération, de l’ordre, de l’intérêt général, qui donc et en résumé assimile toute opposition à un extrémisme, une déviance ou une pathologie pour la criminaliser au nom du monopole de la vérité politique, économique, historique, médicale…
Ce dernier s’accompagne d’ailleurs d’un contrôle du langage et de la pensée par la langue de bois devenue éléments de langage, le politiquement et le culturellement correct à travers des médias, garants de la parole publique, détenus par quelques milliardaires aux ordres du discours officiel, qu’ils soutiennent et dont ils profitent des largesses.
Un contrôle social des corps, de l’espace et du temps au moyen des technologies du moment ou des procédures institutionnelles (état d’urgence ou d’exception permanent, QR codes, confinements, monnaies numériques…), couplé à une répression policière féroce, violente et disproportionnée contre les contestations sociales et politiques, que l’on justifie par la fabrique d’un ennemi intérieur (le non vacciné hier, l’étranger aujourd’hui et demain) ou extérieur (le terroriste, la Russie, etc…).
Enfin la suprématie du pouvoir exécutif (le gouvernement et l’administration, préfectorale notamment) sur le législatif.
En effet le recours permanent à des « conseils de défense », des « conseils scientifiques », des « conventions citoyennes » et en général aux cabinets de conseils occultes en marge de la vie parlementaire signe véritablement l’opacité de la prise de décision et entérine la rupture entre ladite représentation nationale et ledit peuple.
Certes des lois sont votées mais elles apparaissent de plus en plus dictées par les intérêts privés d’une caste aux ordres de puissants lobbies économiques et financiers plutôt que par ceux de la population.
On notera d’ailleurs que le conflit d’intérêt devient la norme et non l’exception du fait de la porosité entre les sphères de la haute fonction publique et de l’État en général et le secteur privé, où d’anciens fonctionnaires ou politiques occupent des postes clés en échange de leurs réseaux et de leurs carnets d’adresses.
Le recours aux ordonnances pour gouverner, comme lors de la crise covid, les limitations des débats parlementaires par des subterfuges techniques permettant le passage en force des lois au moyen de l’article 49.3 et autres tours d’illusionnisme, comme lors de la « réforme des retraites », passée publiquement en contrebande dans la loi de finance annuelle, alors qu’il s’agit d’une réforme structurelle, le mépris et le dénigrement des corps intermédiaires et de la démocratie sociale, dont on décourage par une répression violente les manifestations publiques, la suppression du recrutement du corps diplomatique par voie de concours au profit de nominations issues du seul fait du prince, etc. ; tout cela est le symptôme à la fois d’une dérive d’un pouvoir drogué à sa propre démesure, grisé et fasciné par l’illusion de sa puissance et, d’autre part, d’une logique de caste dont les décisions, coupées de l’intérêt général du pays réel, ne sont que le reflet des intérêts d’une nouvelle féodalité méprisant une classe de roturiers de plus en plus considérés, de façon décomplexée, moins comme des citoyens que comme des sujets.
L’intérêt de cette notion d’extrême centre est au fond de mettre, certes, en perspective le macronisme au regard du passé, pour en saisir les constantes derrière les aléas de l’Histoire mais aussi, en l’élargissant au monde libéral en général, de comprendre la trame invisible qui traverse celui-ci.
La mondialisation, favorisée par la révolution informatique ayant permis la maîtrise de l’espace-temps et donc conféré le don d’ubiquité aux élites, l’émergence de ladite « intelligence artificielle » ainsi que les recherches médicales laissant aux plus fortunés l’espérance d’une domestication de la mort, enfin l’espoir fou de découvrir de nouvelles sources d’énergies inépuisables, tout cela a conféré aux oligarques une puissance inégalée dans l’histoire, au point de leur donner un sentiment ultime de surpuissance dont les conséquences sont à présent tangibles.
En effet, la puissance, entendue comme la soumission de la réalité à la volonté, donne l’illusion, du fait de la maîtrise technologique rendue possible par l’extrême richesse de quelques-uns dans un monde devenu périphérique, que tout désir non naturel est réalisable.
Nous assistons donc à la naissance d’une caste de demi-dieux, qui, emportés par l’ivresse technologique que leur octroient leurs fortunes colossales, peuvent envisager de distinguer, au sein de la société, les êtres essentiels de ceux non essentiels – pour se passer d’une partie de l’humanité désormais superflue et coûteuse.
Désormais le peuple est et sera de trop, d’abord par morceaux, puis en vrac, puis en totalité. Les volontaires de la servitude ne chanteront donc plus très longtemps les louanges de leur veulerie.
Que l’on songe par exemple, au lendemain de la seconde guerre mondiale, au détournement des résultats des élections au profit de la démocratie chrétienne en Italie ou à l’éviction brutale de Silvio Berlusconi régulièrement élu et remplacé par ce qu’on nomma un gouvernement technique, c’est à dire non élu, dirigé par un ancien banquier d’affaire, Mario Monti, ou au dernier gouvernement technique en place sous la houlette de Mario Draghi, autre banquier d’affaire ; que l’on songe au détournement des résultats du référendum français de 2005, sur l’établissement d’une constitution européenne, par le vote en 2008, par les parlementaires français, du traité de Lisbonne qui entérine la constitution européenne; que l’on songe au renoncement des gouvernements européens, en général, à tout référendum, par méfiance viscérale envers les peuples qu’elle préfère gouverner par circulaires sans jamais en retour rendre de compte ; que l’on songe à Tsipras en Grèce soumis au diktat européen contre la volonté des Grecs qui l’avaient porté au pouvoir; que l’on songe à la répression des « gilets jaunes », que l’on songe aux tirs à balles réelles aux Pays bas pour réprimer les contestations sociales des agriculteurs ; que l’on songe à la gouvernance de la commission européenne aux accents de plus en plus autoritaires, pesant de tout son poids sur la politique de santé des états membres durant la crise covid, tant au niveau des mesures préconisées que de l’opacité entourant par exemple les contrats avec les grands groupes pharmaceutiques, gouvernance à présent érigée en modèle par l’OMS, prémisse d’un biopouvoir assurant son emprise sur les corps ; que l’on songe à la politique étrangère de la commission européenne, qui, se substituant aux états, engage les nations européennes, dans le cadre du conflit ukrainien, dans un bras de fer avec la Russie, et ce, sans le consentement des peuples, ni aucun mandat de leur part, au risque de mettre le doigt dans un engrenage fatal, tant au niveau économique que militaire ; songeons enfin, au moment où les peuples, peu à peu, prennent conscience de l’accélération d’un agenda visant à les museler définitivement et de la lente mais sûre orwellisation du continent européen, songeons enfin, à la mise en place d’un euro et d’une identité numériques dont la fonction sera de tracer les modes de vie et comportements individuels (en plus d’être l’occasion d’un commerce juteux des données numériques auprès des acteurs économiques) mais surtout de sanctionner tout dissident en bloquant le compte bancaire de toute personne s’écartant de la norme instituée : surconsommation de carbone, d’eau, d’énergie, rationnements en tout genre, idées politiques déviantes, injonctions sanitaires.
A ce titre, les grèves des routiers contre la vaccination obligatoire au Canada, dont les acteurs ont vu leurs comptes bancaires bloqués et leur outil de travail confisqué, ont été le laboratoire expérimental de cet extrême centre qui s’emploie à la rééducation économique permanente des peuples.
La prison numérique qui se profile sera le pendant abstrait des camps d’internement mis en place en Australie pour les non vaccinés durant la crise covid.
L’idéologie panoptique (voir sans être vu), idéologie de surveillance totale de l’individu, physique, psychique et langagière, a trouvé les moyens techniques de sa mise en œuvre effective au nom d’un état qui nous veut du bien et qui, pour ce dessein impérieux, prépare la dissolution des dissidents.
L’extrême centre, dont le président Macron est le chantre, peu à peu, prépare le terrain, en France, comme en Europe et plus largement en Occident comme en Orient, à l’avènement d’un fascisme en col blanc, à présent ouvertement assumé et décomplexé, technocratique, où la contrainte sera la norme et la liberté l’exception, un régime fondé sur des appareils juridiques, policiers et médiatiques aux ordres du marché néo libéral et de ses sbires idéologiques, un fascisme, bizarrerie de l’Histoire, sans le peuple, désormais dissous, invisibilisé, sorti des statistiques puisque dans un tel régime, un simple voyant rouge suffira à bloquer un compte pour tenir en laisse et museler tout opposant ou le transformer en un paria social.
Au temps de Franco, comme en Chine aujourd’hui, quiconque n’avait pas sa carte du parti, ne pouvait accéder aux biens de première nécessité ni à aucune activité sociale. L’extrême centre est bel et bien un fascisme qui instaurera, comme mode de gouvernement, la mort sociale des opposants au système, traités désormais comme des déviants à rééduquer. Le saut technologique de la carte d’identité en papier au QR code aura initié ce saut qualitatif vers l’effacement de toute voix discordante.
Le glacis du spectaculaire intégré s’apprête à recouvrir le monde dans la passivité et l’indifférence générales. Ses caractéristiques selon Guy Debord : l’obsession technologique, la soumission totale du politique à l’économique, la fusion du vrai et du faux, l’incitation à vivre dans un présent perpétuel, sans mémoire ni mise en perspective historique, enfin la fascination pour le secret et sa mise en scène : « Le centre directeur est maintenant devenu occulte (…) Le spectacle s’est mélangé à toute réalité, en l’irradiant », Commentaires sur la société du spectacle, déjà cités).
On se posera la question suivante : si l’Europe n’a certes pas inventé la tyrannie et le despotisme, plaies communes et également réparties sur le globe tout au long de l’histoire, comment se fait-il qu’en son sein, soient nés les totalitarismes de toute obédience, de droite, de gauche, du transhumanisme en marche ou de la nouvelle idéologie du Greenwashing (les cimetières du vivant repeints en vert par le capitalisme bon teint) ? Il semble que l’extrême centre soit une synthèse de ces idéologies extrêmes pour lesquelles l’homme et le peuple semblent être toujours de trop.
Car en effet, de quoi l’extrême centre est-il le nom sinon d’un miroir aux alouettes, d’un théâtre d’ombres chinoises masquant l’idéologie autoritaire d’une oligarchie prête à tout pour sauvegarder sa position dominante et ses intérêts. Une nouvelle féodalité impensée émerge sous nos yeux, dont le dieu est l’argent, avec ses gueux et ses serfs, sans chevaliers, ni panache mais avec ses seigneurs, leurs lois et leurs cours d’hommes en gris.
« Pourriez-vous s’il vous plaît reconnaître l’imposture que vous appelez « démocratie », qui consiste à choisir parmi vos candidats déjà choisis lequel nous manipulera, et exposer enfin clairement l’absurdité de cette non vie que vous nous faites vivre, qui se résume à produire comme des machines et consommer comme des zombies des objets empoisonnés qui nous rendent malades et pourrissent la terre, pour la publicité desquels des millions sont investis, qui en augmentent le prix et l’illusion, et l’aberration de l’accumulation d’argent entre les mains des riches au détriment de l’immense majorité des gens qui peinent à joindre les deux bouts, quand il reste des bouts, et nous montrer l’étendue du scandale de vos privilèges qui rendent si insultante votre condescendante démagogie, et comment vous êtes main dans la main avec les fossoyeurs industriels de la terre et de nos jours, et aussi avec tous ces médiatiques rassis bien assis qui nous saoulent de leurs airs complices, et ouvrir pour finir bien grand le rideau en lambeaux censé masquer le mirage qui nous entraîne dans le naufrage universel, sans arche pour en réchapper, ou bien vous pensez-vous ses guides indispensables quoi qu’il en coûtera, tout en préparant ce monde ravagé où vous essaierez de survivre à l’asphyxie depuis vos bunkers et vos guerres sans merci ? Merci. »
La démocratie totalitaire qu’a instaurée la dictature du libre-échange a été contrainte de rafistoler la peur dont aucun pouvoir hiérarchique ne peut se passer. Après la retombée d’une panique suscitée par la gestion tragi-comique du coronavirus, après le flop de la terreur nucléaire importée d’Ukraine, après une trop incertaine invasion d’extra-terrestres, on se serait volontiers rabattu sur ce furoncle d’extrême droite qui avait servi à Mitterrand pour assainir sa fistule pétainiste, mais l’abcès était crevé de longue date.
C’est donc à une terreur en panne d’idéologie, à une répression aveugle, à un viol collectif, à une horreur sans appellation contrôlée que recourent désormais les forces de l’Ordre étatique et supra-étatique.
Nous sommes la proie d’un fascisme botté, casqué, motorisé, violant, violeur, matraqueur, éborgneur, tueur. Il ne relève pas du parti d’extrême-droite, même si celui-ci applaudit à ses exploits.
Sa barbarie porte le sceau de la légalité. Elle est le mode d’expression des milices gouvernementales et mondialistes. Le fascisme est le bras armé du parti de la mort. Il est par excellence le culte de la charogne. Il en perçoit la dîme.
Ensauvagés par le ressentiment, les frustrations dont ils se vengent en tabassant et en massacrant ce qui passe à portée, les policiers ont quelques raisons de se gausser de notre indignation, de nos protestations humanitaires, de nos pétitions, de nos cahiers de doléances. Pourquoi se priveraient-ils de ricaner quand ils nous voient implorer la clémence de pantins mécanisés dont ils enragent secrètement d’être la vile serpillière ?
Ce qu’ils attendent fébrilement n’est pas qu’on les aime mais qu’on les haïsse.
Leur haine de soi et de la vie se nourrit de la peur qu’ils éprouvent et qu’il propagent. Les conflits du passé ne manquaient pas de clarté. L’ennemi faisait sens, il était le nazi, le communiste, l’envahisseur, le barbare venu d’ailleurs. Mais pour taper sur une foule de promeneurs, quelle raison la matraque invoquera-t-elle si, par le plus improbable des hasards, il lui arrive de penser ?
Cette absence de raison est par elle même une question. Ne pas y répondre la renvoie au demandeur. Il se peut qu’elle tourne et se retourne en lui, qu’elle le taraude de son absurdité. Mais combien de temps prendra-t-elle pour inciter la troupe à dresser la crosse en l’air ?
L’autre solution est de répondre mais en n’apportant pas la réponse attendue. Quelle est la réponse espérée ? L’exécration, le rejet, le mépris, la tenue de combat, la descente dans l’arène. Un comportement où nous perdrions notre humanité pour avancer en porte-à-faux et entrer en barbarie.
Puisque la réaction attendue est « on va vous rendre l’existence impossible », décrétons, à l’inverse, « nous allons vous rendre la vie possible. » Non par esprit de provocation mais parce que nous restons fidèles au projet humain qui est le nôtre.
Il serait illusoire, voire ridicule, de miser sur un travail de dissociation du policier, qui lui laisse une chance de recouvrer son humanité en désertant la machine à broyer le vivant, dont il est lui-même victime. Mais que risquons-nous à lui signifier – de loin et à l’abri de ses réflexes sado-masochistes – que nous ne voulons ni pardon ni talion ? Que nous voulons seulement que la vie soit à tous et à toutes, sans exclusion.
Nous n’avons pas de message à adresser, nous avons une expérience à mener sans discontinuer. Il nous appartient de poursuivre l’occupation de notre terre, d’autogérer notre eau, de fonder partout dans le monde des micro-sociétés où les assemblées permettent à chacun la libre expression de ses désirs, leur affinement, leur harmonisation (l’expérience zapatiste montre que c’est possible.)
Osez parler d’utopie et de chimère alors que la France retrouve l’élan qui la libéra de l’Ancien régime ? Alors que s’esquissent sous nos yeux des collectivités où s’incarnent dans l’authenticité vécue ces idées d’égalité, de liberté, de fraternité, qui avaient été vidées de leur substance ?
Notre révolution sera celle de la jouissance contre l’appropriation, de l’entraide contre la prédation, de la création contre le travail.
Ne rien céder sur l’invariance de notre projet humain tisse une cohésion existentielle et sociale qui a les moyens et l’ingéniosité de pratiquer une guérilla démilitarisée soumettant à un harcèlement constant le totalitarisme étatique pourrissant.
Ceux qui misent sur notre essoufflement ignorent que le souffle de la vie est inépuisable. A courir en revanche partout où l’on détruit leurs machines, comment les oppresseurs ne s’étoufferaient-ils pas à perdre haleine ?
Nous entrons dans l’ère de l’autogestion et du renversement de perspective.
Nous n’avons connu de vie que sous l’ombre glacée de la mort. Nous n’avons rien entrepris sans penser que notre entreprise était vaine et insensée.
La France, en se soulevant, ouvre au monde des voies radicalement nouvelles. La créativité poétique du « peuple des bassines » s’inscrit dans un mouvement d’autodéfense du vivant appelé à croître, à se fédérer, à multiplier, non par volontarisme mais parce que c’est cela ou se momifier dans un environnement sans insectes et sans oiseaux.
Nous ne sommes ni Sisyphe ni Prométhée, nous refusons les sacrifices, à commencer par le sacrifice de notre existence. Nous sommes des individus conscients que la vie et la terre leur ont été données avec un mode d’emploi dont ils sont en tant qu’humains les seuls détenteurs.
La vie en quête d’humanité a tous les droits, elle n’a aucun devoir. Tel est le renversement de perspective qui nous affranchit du ciel des Dieux et des idées, et nous remet droit debout, bien ancrés sur la terre.
Nous sommes arrivés à un point de rupture avec un passé qui nous a mécanisés (le comportement militaire en fait partie). Nous sommes le point de départ d’un présent qui ne régressera plus. Nous sommes la renaissance d’une vie que rien n’a réussi à étouffer et qui maintenant revendique sa souveraineté.
Regardez ! Nous étions une poignée de gueux, le gratin des rien-du-tout. Nous sommes des millions à découvrir une intelligence du vivant qui nous tient quitte de l’intelligence morte, qui nous a gérés comme des choses. Nous ne sommes plus une marchandise. Nul besoin de fanfaronner pour le faire savoir. Commençons par la base : plus d’école inféodée au marché, plus d’agriculture dénaturée, plus d’ordres à donner ni à recevoir !
Il faut cesser de raisonner en termes de victoire et de défaite, comme des encasernés. La militarisation des corps et des consciences, ça suffit !
Ce qui effraie le Pouvoir, c’est moins le grand nombre des opposants que la qualité de la vie qu’ils revendiquent. Lors des grèves anciennes, les patrons redoutaient moins l’ampleur numérique du mouvement que la joie profonde qui animait les insurgés. Ils avaient les moyens d’en venir à bout grâce au chantage habituel du « pas de travail, pas de salaire ! ».
Alors que le capitalisme annonce aujourd’hui sans ambages que la hausse du prix des denrées et la baisse des salaires sont inéluctables, que l’on m’explique comment le chantage traditionnel a la moindre chance d’obtenir une reprise générale du travail ! On comprend en revanche que l’État – tenu d’enrichir ses pourvoyeurs – n’ait plus, pour masquer sa faillite sociale, qu’à tabasser ce peuple dont la présence le terrorise. Mais pendant combien de temps ?
Qu’on ne nous accuse pas de vouloir abattre l’État. Il s’abat tout seul et il s’abat sur nous.
Son inutilité dévastatrice nous met en demeure de palier, par la création de zones d’autodéfense du vivant, la disparition programmée des biens dont il nous pourvoyait jadis quand il se souciait d’une communauté citoyenne. Ce n’est pas le tout de mourir, il faut bien vivre !
Rien ne résiste à l’autodéfense du vivant.
Il n’est pas une seule forme de gouvernement qui n’ait fait le malheur des peuples censés bénéficier de ses bienfaits. A peine sortis des pires dictatures, nous avons hérité de la meilleure, si l’on peut qualifier ainsi un totalitarisme économique où le politique perd pied tant se déversent et s’amoncellent en cette fin de parcours les excréments de ce qui fit la gloire du passé – aristocratie, démocratie, oligarchie, impérialisme, monarchie, autocratie et tutti quanti.
C’est de ce tout-à-l’égout où ils s’enlisent que nos ennemis prétendent mener contre nous une guerre à outrance ? Voire ! Nous sommes capables de frapper, de disparaître, de resurgir où on nous attend le moins. Nous avons appris des guérillas traditionnelles que leur échec fut moins le fait de la violence répressive que de leur propre organisation interne où se perpétuait la structure hiérarchique du monde dominant. Souvenez vous de l’effarement des élites françaises devant les gilets jaunes : « où sont donc les chefs, les responsables avec qui discuter ? » Eh non ! Il n’y en avait pas. Faisons en sorte qu’il n’y en ait jamais !
L’autogestion est une expérience qui a prouvé sa viabilité dans l’Espagne révolutionnaire de 1936, avant d’être écrasée par le parti communiste. Elle est l’organisation par le peuple de la satisfaction des besoins et des désirs de celles et de ceux qui le composent. Ses principes théoriques prennent naissance dans le vécu des collectivités où lutter ensemble enseigne un art des accords et des discordances qui n’est pas étranger aux résonances musicales de l’existence individuelle et de la nature. Partout où apparaissent des zones d’autodéfense du vivant, l’intelligence du cœur l’emporte sur l’intelligence de la tête et enseigne à tout réinventer.
Ce que mai 1968 nous a légué de plus radical, c’est le projet d’occupation d’usines où les prolétaires commençaient à envisager de les faire tourner au profit de tous et de toutes (éventuellement en les reconvertissant). Le parti communiste s’y opposa violemment, ce fut sa dernière victoire avant l’effondrement définitif.
Le travail parasitaire et la spéculation boursière ont fait disparaître les lieux de production socialement utiles mais la volonté d’occuper des lieux où nos racines sont les racines du monde n’a pas fléchi. Récupérer les rues, les places, les communes, c’est un combat qui se livre à la base. Il n’est pas tolérable que les nourritures empoisonnées par l’industrie agro-alimentaire pourrissent l’air ambiant et pénètrent dans nos cuisines où nous avons le bonheur de concocter des plats sains et savoureux.
La terre est un lieu de jouissance humaine, non une jungle où règnent la prédation et l’appropriation. Nos libertés sont nourricières. Nous assistons à la renaissance d’une vie qui n’a que des commencements et ignore qu’il existe une fin.
Il y a belle lurette que l’auto, par exemple, n’est plus un moyen de transport ; c’est une machine qui aime se balader et se sert d’un homme à cette fin.
Il faut être démuni du plus petit sens de l’observation pour croire encore que l’homme se sert de l’automobile.
Regardez bien, observez et observez-vous, vous allez être stupéfait de constater que c’est l’automobile qui se sert de l’homme pour se balader, qui se sert de vous.
(…)
Il est courant quand on se déplace (difficilement) en auto dans une grande ville de dire, irrité par les encombrements : « Ces villes n’ont pas été faites pour l’auto. »
C’est un fait, et de très belles : Rome, Paris, etc., ont été faites pour des hommes.
Pour vous, quand vous étiez encore des hommes, et maintenant que vous n’en êtes plus, vous rêvez de les éventrer, d’en détruire les monuments, la beauté, pour qu’enfin elles soient faites « pour l’auto ».
La beauté qui rendait ces villes dignes de l’homme, vous ne la voyez plus, vous voyez une beauté différente, « digne de l’auto ».
Tout le réseau routier de la France et de l’étranger, du monde, est en train de se modifier pour qu’il soit, non plus adapté à l’homme, mais adapté à l’auto.
Le rêve de l’homme qui avait été jusqu’ici la petite route ombragée de beaux arbres, serpentant à travers les prés, est devenu organisé par le rêve de l’automobile : l’autoroute, sans arbres, sans ombres, sans croisements, sans villages, avec le plus de pistes possibles montantes et descendantes, toutes droites.
Le paysage ne compte plus. Si vous vous serviez de l’automobile, il continuerait à compter ; comme c’est l’automobile qui se sert de vous, et qu’elle se fout du paysage, vous vous en foutez.
Plus rien à voir, il n’y a plus qu’à conduire ; c’est ce que l’auto voulait. Vous la dérangiez dans son plaisir à elle quand vous preniez plaisir (ça date de longtemps) à vous arrêter pour cueillir des narcisses, des violettes, du thym, des cerises, ou devant un beau point de vue, une chapelle romane, ou à flâner sous des ombrages, notamment sous les acacias fleuris du mois de mai qui ont un parfum si enivrant.
Elle s’est arrangée pour que vous ne la dérangiez plus. C’est elle qui commande, vous n’êtes plus que son employé, son larbin, et par un procédé que réprouveraient tous les syndicats des gens de maison, elle vous a obligé à aimer ce qu’elle aime.
Il n’est plus question de prendre votre plaisir, de vous arrêter quand l’intérêt vous sollicite : vous n’avez plus d’autre intérêt que de ne pas vous arrêter.
Vous sacrifiez tout à votre maître, vous avez déjà apporté en victime à ses autels les joies que vous réservaient la culture, la connaissance de l’univers ; plus de lectures, plus de curiosité ; votre bonheur unique et suffisant consiste à vous asseoir derrière votre volant, à crisper vos mains sur des leviers, à devenir par osmose une pièce mécanique de l’être supérieur (et presque suprême) qui vous domine et vous domestique.
Vous mettez à sa disposition vos biens et votre fortune, parfois même tout votre appareil passionnel.
Si demain votre situation sociale menacée vous obligeait à réduire votre train, vous vous retireriez le pain de la bouche et le retireriez de la bouche de vos enfants avant d’avoir même l’idée de restreindre votre consommation d’essence (ou plus exactement sa consommation d’essence).
Dans cinq, six ans, peut-être avant, cela ne dépend que des crédits disponibles, tout le visage du monde deviendra, non plus ce qui plaît à l’homme, mais ce qui plaît à une machine nommée automobile.
Il faut voir déjà les parcs automobiles américains autour des stades. Dix mille automobiles bien rangées ont enfermé leurs quarante mille esclaves dans une cuve de ciment armé pour les faire hygiéniquement se démener et crier pendant deux heures avant de reprendre le collier, non, le volant de misère.
Nothing is equivalent to nothing. Money is the general equivalent of all things only in the factual account of the economy. It is in reality the universal alchemist, who indeed transforms everything into gold; but into gold that turns everything into mud. To make one thing equivalent to another is not only to deprive it of its own value, but above all to denature it and to denature the relation implied in its nature. A merchant’s smile is no longer a smile, but the grin of a merchant. What is bought is not reality, but its economic version, which distorts all reality. In the economic version of reality, everything can be bought and sold, except to those who cannot afford to pay. And since only the rich can afford to pay for everything, all reality belongs to the rich, in act or in potential, minus the crumbs. The crumbs belong to the poor, but not even as crumbs; as the waste of the rich; as what remains of reality, once the rich have used it, and used it, to make all things equivalent to money; to denature all things. Reality has become the garbage of the rich, and the poor the garbage collectors.
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Rien n’est équivalent à rien.
L’argent n’est l’équivalent général de toutes choses que dans le compte de faits de l’économie.
Il est en réalité l’alchimiste universel, qui transforme effectivement tout en or ; mais en or qui fait de tout de la boue.
Rendre une chose équivalente à une autre, c’est non seulement lui retirer sa valeur propre, mais c’est surtout la dénaturer et dénaturer la relation impliquée dans sa nature.
Un sourire marchand n’est plus un sourire, mais le rictus d’un marchand.
Ce qui s’achète, ce n’est pas la réalité, mais sa version économique, qui fausse toute réalité.
Dans la version économique de la réalité, tout s’achète et tout se vend, sauf à qui n’a pas de quoi payer.
Et comme seuls les riches ont de quoi tout payer, toute la réalité appartient aux riches, en acte ou en puissance, moins les miettes.
Les miettes appartiennent aux pauvres, mais pas même comme miettes ; comme déchets des riches ; comme ce qui reste de la réalité, une fois que les riches s’y sont servis, et s’en sont servi, pour rendre toutes choses équivalentes à l’argent ; pour dénaturer toute chose.
La réalité est devenue la poubelle des riches, et les pauvres des éboueurs.