Il n’est pas d’ici. Il est né quelque part, certes, loin de ces lieux où l’on fabrique les hommes à la chaîne, mais très vite on l’a transplanté là, et très vite quelque chose s’est déboîté. Quelque chose s’est refusé.
Le monde, tel qu’il était livré, avec ses affects prêt-à-porter et ses récits convenus, ne l’a jamais attiré, encore moins capté. Il a gardé la vérité de son incompréhension. Et rêvé un chemin de sortie.
Il a grandi sans cocon. L’amour, il l’a connu intensément mais en creux. Cela rend les nerfs sensibles et le cœur trop plein. Très tôt, enfant, il écrivait — non pour faire joli, mais parce que le monde lui était déjà louche. Il lisait. Ne faisait rien avec application. Il jouait aussi. Une vitalité joyeuse dans un ciel de cendres. Il tenait à ses rêves comme d’autres à leurs appréciations de bulletin scolaire.
Puis l’adolescence est venue, solitaire, et déjà bien émancipée. Il y a croisé le feu : la critique du monde la plus tranchante, celle qui ne fait pas carrière.
À dix-huit ans, il rencontre des esprits radicaux, les porteurs de pavés, les fossoyeurs de vitrines. Il les lit, les fréquente, les dépasse parfois. Il écrit, il rencontre, il agit, il brûle.
Puis il part. Très tôt. Très loin. Il quitte les mises en scène. Il traverse la planète pour retrouver le silence avant Babel.
Là-bas, il ne cherche rien, il trouve. Une forme de lumière, très nue, très ancienne. Quelque chose qui ne s’enseigne pas. Il vit proche de la terre, des feuilles, des bêtes. Une vie où la météo compte mais pas le marché. Désintoxication intégrale. Il revient lavé, désenglué.
En France, il tente : revues, collaborations, poésie. La poésie, pas comme décoration, comme les funambules.
Une rupture l’atteint : une flèche magnifique, qui lui va droit au cœur. Il approfondit la solitude. Puis l’amour, pour de vrai. Une relation sans simulation. Sans domination. L’amour dans l’amitié, et réciproquement.
La pensée a besoin de s’élargir, sauf à dépérir, se momifier. Il explore tout : les anciens dieux, les dissidents du logos, les mystiques sans église, les radicaux sans parti.
Il ne s’installe nulle part. Il repart. Encore loin. Et revient. Encore plus près. À chaque fois avec une autre voix.
Aujourd’hui, il écrit à nouveau. Il ne cherche aucune reconnaissance pas même une adhésion. Il cherche les failles. Il compose des textes comme on allume des incendies dans des zones gelées.
Il s’amuse à déjouer ce que l’époque fabrique : des humains indexés, des émotions calibrées, des phrases sous surveillance. Son écriture est rature vivante.
Il écrira encore, un dernier pont, encore plus poétique, un feu sans artifice. Attiser l’irréductible.
Non pour conclure, mais pour ouvrir ce qui ne se refermera jamais.







